Au Théâtre de Vidy, Lausanne, du 23 au 26 mai 2023
L’artiste performeur a bénéficié d’une résidence de création à Vidy pour préparer Mitsouko & Mitsuko.
Quelques silhouettes blanches posées sur un sol bleu devant un simple rideau ouvert en fond de scène. C’est avec ce dispositif sommaire que nous sommes invités à embarquer pour ce voyage aux confins des fictions européennes et asiatiques que nous avons absorbées. A notre insu ou pas…

C’est une histoire, mais aussi une part d’Histoire qu’il nous raconte. Emaillée d’histoires d’amour, elle est romanesque en réalité comme en fiction. Pourquoi le célèbre parfum de Guerlain porte-t-il ce nom japonais, Mitsouko? C’est l’amorce des concours de circonstances qui déploieront le récit.
En ce début de XXe siècle, l’image de l’Asie aux Etats-Unis était double: l’exotisme attirant et la puissance menaçante. Au cinéma, l’envoûtante geisha et le noble maléfique personnifiaient ces figures antagonistes.
Citant certain.e.s adeptes (des stars hollywoodiennes) renommé.e.s du parfum, Michikazu Matsune chemine parmi les indices d’une époque et nous entraîne à la rencontre de « femmes mystérieuses »: Mitsuko, personnage de roman et de théâtre, et Mitsuko , l’une des toutes premières femmes japonaises ayant épousé un européen. Fiction et réalité s’entrechoquent.
Relayée encore par le théâtre, voici la rencontre amoureuse d’une comédienne juive allemande (Ida Roland, morte à Nyon en 1951) et du fils de Mitsuko, Richard Coudenhove-Kalergi, essayiste et philosophe. Les années 20 verront ce dernier lancer le premier Manifeste pour une Europe unifiée, Paneuropa.
Entrecoupée de mouvements dansés entre théâtre Nô et tai-chi, la narration file tout en harmonie. Dans cette mise en scène dépouillée, renforcée par des projections vidéo et une lumière astucieuse, Michikazu le paisible est un conteur passionnant et attachant. Cette boucle de la grande Histoire, éclairée par des personnages charismatiques, formule certains préjugés fumeux à la lumière d’autres histoires, plus spécifiques. L’étymologie latine du mot parfum, per fumum, se retranscrit d’ailleurs littéralement « par la fumée ».

« Mitsouko & Mitsuko est un voyage pour réimaginer des histoires qui, comme une fumée, ne sont visibles que fugitivement mais continuent de hanter le présent. »
A noter que Michikazu Matsune sera présent au Festival d’Avignon 2023 avec une oeuvre en collaboration avec la chorégraphe Martine Pisani, Kono atari no dokoka.
Très belle découverte.
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