A l’Arsenic, Lausanne du 2 au 7 novembre 2021

Tout est dans le titre. Oui, ils ont osé! Le plateau est nu. Enfin presque, puisque, dans le fond, deux énormes enceintes sont disposées à cour et à jardin. C’est tout.

Victor et François, chacun représenté par une enceinte, se parlent, s’interrogent, essaient des trucs, tentent le surtitre ou la phrase musicale. C’est à partir de ce dialogue que nous, public écoutant, allons nous jouer notre propre pièce en imagination. Et c’est diablement bien ficelé.

De ce postulat contraignant, les deux compères réussissent à nous entraîner à la découverte d’une manière d’être spectateur.rice de façon active tout en restant assis sur nos sièges. Des histoires toutes simples, qui s’ébauchent uniquement depuis un mot, une phrase musicale qui souligne, puis remplace une phrase parlée, le vrai empiétant sur l’imaginaire, le temps enregistré débordant sur le temps présent, futur ou passé, les mots dits devenant nos propres images. C’est presque sportif! un match! une course poursuite! policée tout de même… De grands thèmes musicaux du cinéma créent des réminiscences plus personnelles. Le spectacle s’expatrie, émet d’autres langages, explore de possibles voyages, et nous voilà transportés.

Et pourtant, nos regards s’accrochent à ces enceintes. Elles s’humanisent par le  langage des acteurs invisibles. Elles deviennent véritablement leur costume. Il faudra l’obscurité totale pour s’en détacher.

Et pourtant, notre création… cette vraie biche imaginaire… elle est là.

Qu’est-ce qui prête une telle humanité à ce plateau désert? A-t-on oublié la poésie? Cette foi en l’imagination, sommes-nous en train de la perdre?

Cette «Pièce sans acteurs» nous inclut dans son scénario, nous fait confiance pour créer ce qui n’est pas. Nous, public gavé d’images, rassasié de divertissements, nourri de pub tape-à-l’oeil, de 3D et d’effets spéciaux. Et nous sommes touchés, nous rions et nous y croyons. Et le théâtre, encore une fois, se réinvente.