«Chanson sans paroles» de Thom Luz

Au théâtre de Vidy-Lausanne du 22.04 au 25.04 2021

Quelle joie de retrouver les fauteuils du théâtre, de savourer les quelques minutes d’attente en préambule, d’enfin assister à nouveau à une représentation d’art vivant! Ceci en toute sécurité, puisque, pour le moment, les spectateurs masqués sont séparés par quatre fauteuils vides pour une jauge de cinquante personnes dans la salle du pavillon (250 places d’ordinaire).

Echauffements de voix, accordages d’instruments. Un piano, une scène quasiment vide, quelques coffres et des objets techniques. Le décor sera monté et dévoilé au cours du spectacle.

Thom Luz, dont nous avions apprécié «Girl from the Fog Machine Factory», est un musicien qui met en scène. Son univers personnel inimitable prête autant d’importance au son qu’à l’image tout en développant un propos narratif philosophique émaillé de drôlerie et de trouvailles techniques.

Cette «Chanson sans paroles» est investie de multiples langages. Les cinq comédien.ne.s/musicien.ne.s jouent et chantent, parlent entre eux, leurs discussions animant un fond sonore nimbé d’humanité. Les haut-parleurs, en forme de disques haut perchés, prennent eux aussi part à l’action et deviennent des personnages à part entière. Piano classique ou sons électroniques, jeux de sons décalés des sources instrumentales, mélodies harmonieuses ou sonorités étranges, créent un singulier environnement sonore, le paysage visuel étant nourri par les diverses sources lumineuses. La musique, issue du registre romantique du compositeur Mendelssohn, est entremêlée d’acoustique contemporaine mais conserve l’esprit romanesque de ses origines.

Photo (c) Sandra Then

Tout est prétexte à la musicalité, même la voiture est mise à contribution. La lumière comme le son se jouent de la réalité, jaillissant à contretemps et créant la surprise.

L‘histoire se présente telle une enquête policière: la reconstitution d’un accident de la route. Ce thème peut sembler trivial, mais c’est une véritable chorégraphie poétique qu’entreprennent les comédien.ne.s pour retracer le récit de ce drame. Toujours en musique et en chantant, ils disposent peu à peu le décor, définissent les circonstances de l’évènement. Remontant le temps jusqu’à l’instant fatal, la narration questionne par analogie notre rapport à la temporalité, à la notion de contingence, à ce rassurant discours optimiste auquel nous nous accrochons s’il nous est servi par tel ou tel illusionniste.

C’est bien la tragi-comédie du XXIe siècle qui se joue ici. En musique.

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