La roue = c’est tout au Musée Tinguely

Artiste suisse fascinant, Jean Tinguely (1925-1991) a marqué l’histoire de l’art, cinétique en particulier, produisant plus de cent sculptures mécaniques.

Présentée dès le 8 février, l’exposition du musée Tinguely (Bâle) est une nouvelle disposition des oeuvres de la collection. La grande salle du rez présente les sculptures mobiles monumentales,  le public est quasiment immergé entre les machines dont il peut enclencher le mouvement à intervalles réguliers.

En tournant autour de ces monstres articulés, on aperçoit les différents objets dont ils sont constitués. Il est même possible de grimper sur certaines de ces mécaniques et ainsi d’en avoir une vue de l’intérieur. Des cartels accompagnés de QR codes permettent d’en savoir plus sur l’oeuvre.

Les sons sont omniprésents dans l’oeuvre et ils font partie du spectacle! Tinguely  attachait une grande importance à l’acoustique de son travail (extrait)

Quelques détails où l’on décèle l’humour de l’artiste, sa sensibilité aussi et une citation qui m’est chère…

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Dans les années 1950, Tinguely innove en produisant ses premières oeuvres mobiles. Ce sont de délicates sculptures mobiles que le public peut actionner en appuyant sur un bouton au sol. A cette époque l’abstraction géométrique est reine. Il s’inspire de Paul Klee, Miro ou Malevitch et donne vie aux tableaux qu’il crée.

Jean Tinguely, « Eléments détachés » 1954

Après avoir travaillé comme décorateur de vitrines à Bâle à la suite d’un apprentissage à la Kunstgewerbeschule, Tinguely franchit un pas décisif pour sa carrière : en s’installant à Paris en 1952, il dispose de nouvelles sources d’inspiration et de précieux contacts au sein du milieu artistique. 

Jean Tinguely, « Meta-Malevitch », 1954

Il expose à Paris en 1955 (« Le Mouvement », galerie Denise René) et c’est là qu’il obtient une première visibilité dans les milieux de l’art d’avant-garde. D’ailleurs Marcel Duchamp y était représenté avec Rotary Demisphère, une oeuvre cinétique de 1925, et Alexander Calder avec des mobiles, nom donné par Duchamp (Alexandre Calder et Marcel Duchamp par Linda Dalrymple Henderson).

Et tout ça, ça bouge!!
Au centre « Les Chiottes », 1960

Dès octobre 1960, Tionguely fest membre fondateur du groupe Nouveaux Réalistes. Iels (Oui, Niki les rejoint en 1961 et Jeanne-Claude avec Christo en 1963) rejettent la peinture de chevalet et veulent amener l’art dans la rue. Ils ont la particularité de collaborer beaucoup entre elleux: l’art = la vie!

Pour Tinguely, avant d’être des sculptures, ses créations d’assemblage sont des machines et il veut les montrer dans l’espace public. Acoustiques et dynamiques, leurs titres soulignent le regard critique que l’artiste porte sur la société, regard politique, existentiel et philosophique.

Jean Tinguely, Ballet des Pauvres, 1961 (Lien vidéo)

Les esquisses et dessins sont présentés dans un meuble à tiroirs pour les protéger. Il y étudie le déroulement des mouvements ainsi que la structure de ses compositions. Tinguely communique aussi énormément par courrier. Ses messages sont écrits et dessinés avec toutes sortes de médias sur tout autant de supports divers.

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Homage à New York est une machine qui s’autodétruit conçue comme un happening. Tinguely obtient l’autorisation du MoMA de la construire dans le jardin du musée (Buckminster Fuller Dome). Il y travaille durant trois semaines avec l’aide d’assistants. Marcel Duchamp se régale et l’encourage. Une oeuvre qui mesurera 16 m de long composée de vieux moteurs, tubes d’acier, ballon météo, plus de 80 roues d’entraînement, de poussettes et de vélos, un piano, une baignoire et plein de ferrailles diverses. Le 17 mars 1960, elle éclate de rire!

C’était surtout une liberté complète que je me donnais en construisant toujours en envisageant la possibilité destructive. C’est à dire en construisant quelque chose pour lequel je n’envisageais jamais de savoir est-ce que ça va durer une minute ou dix minutes ou deux heures ou dix ans. Mon problème là était uniquement de m’adonner à une construction complètement folle et libre. JT

Jean Tinguely – Homage to New York (1960) from Stephen Cornford on Vimeo.

En 1961 et 62, il réitère avec « Etude pour une fin du monde I » (Danemark), puis  II (désert du Nevada).

L’époque est aux bouleversements (mur de Berlin, guerre d’Algérie, crise de Cuba, confrontation USA-URSS) et Tinguely, avec l’aide de Niki de Saint-Phalle, s’attelle à en montrer la démence avec ses machines explosives. La seconde performance nécessitera une centaine de bâtons de dynamite et 20000 feux d’artifices. (extrait) Elle est filmée est transmise à l’échelle nationale par la NBC. Jean Tinguely risque sa vie durant cette performance qui, évidemment, ne fonctionne pas comme prévu.

Suivront, d’après la maquette de Niki de Saint-Phalle, HON en 1966 à Stockholm. Sculpture de Nana monumentale à l’intérieur de laquelle on peut entrer par son vagin, boire un verre de lait dans un sein, visiter des galeries de fausses oeuvres, etc.

D’autres projets collaboratifs s’ensuivent. Le Dylaby en 1962 à Amsterdam où les artistes sont aussi commissaires d’exposition (Tinguely, Rauschenberg, Saint-Phalle, Spoerri, Raysse, Ultvedt). Iels créent un parcours labyrinthe pour un public actif. Le Cyclop de Milly-la-Forêt, une « sculpture de l’amitié » de 22 m de haut, due à de multiples collaborations de copains artistes, dont deux femmes: Niki de Saint-Phalle et Eva Aeppli.

L’inspiration que provoquent les machines à Tinguely s’étend jusqu’à Roland Petit qui compose un ballet contemporain dans une chorégraphie machinique. Tinguely réalise un système de rouage plat faisant office de fond de scène: c’est l’Eloge de la Folie(1966). Court extrait du ballet ICI. Le musée Tinguely a fait l’acquisition de la scupture en 2023.

Voilà donc une exposition qui va durer et que l’on peut visiter avec des enfants pour leur plus grand plaisir et le nôtre. Intéressante par les oeuvres présentées, leur côté ludique et drôle, la marque importante de l’artiste dans l’histoire de l’art, cette nouvelle présentation montre une large vue d’ensemble sur le travail de Tinguely, le premier artiste à avoir permis aux machines de dessiner!

Jean Tinguely, Méta-Matic No. 6, 1959
Contrairement à beaucoup d’autres œuvres de Jean Tinguely, nous avons peu d’informations sur «Frigo Duchamp», sachant seulement que le réfrigérateur lui a été offert par Marcel Duchamp. Les travaux ont été exécutés entre l’automne 1960 et septembre 1962, lorsqu’ils étaient visibles dans la galerie new-yorkaise de Sidney Janis. Selon l’artiste, la pièce a ensuite été conservée pendant vingt ans dans le jardin d’un ami, où elle est restée probablement presque inchangée au fil des ans. Museum Tinguely

 

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