« Au milieu des terres » Le GDRA

Au Théâtre de Vidy du 30 novembre au 4 décembre

Le GdRA (Groupe de Recherches Artistiques) dont nous avons vu deux précédents spectacles (Lenga et Selve) au théâtre de Vidy, donne ici la parole à la mer Méditerranée.

Dans ce troisième volet de la trilogie, les artistes mêlent leurs histoires de vie à celle qui s’étend au milieu des terres: la Méditerranée.

Les textes scientifiques (et poétiques) de l’anthropologue Mondher Kilani et de l’océanologue géochimiste Catherine Jeandel personnalisent l’histoire ancestrale de cette mer, décrivant aussi bien la biodiversité qui l’habite, sa temporalité, sa géologie, son influence sur les continents, mais aussi les souffrances qui lui sont infligées: la mer la plus polluée du monde, surpêche, métaux lourds, molécules, micro-déchets, 600000 tonnes de plastique déversées, etc.

Un dispositif étrange au premier abord occupe le milieu de la scène. Une structure ouverte et arrondie, garnie de tubes qui se mettent à bouger et à onduler. On comprend alors que cette abstraction évoque la mer elle-même et lorsqu’elle s’illumine, change de couleur, tangue et se déroule, ses fluctuations deviennent autant de vagues agitées par la houle et les courants marins. La mer, alors, prend vie et accompagne les chants et les paroles qui dessinent une certaine globalité de ses contours. On apprendra d’ailleurs que le dispositif est en partie connecté à une balise en pleine mer qui lui transmet simultanément les mouvements de l’eau, tout en étant programmé en direct par le collectif Scale.

Au milieu des terres photo © Erik Damiano

Christophe Rulhes, cofondateur du GdRA, joue de plusieurs instruments durant le spectacle, dont une cabrette, une sorte de cornemuse. Son chant d’une extrême sensibilité joue sur la tessiture et le timbre de sa voix. Enza Pagliara, chanteuse italienne des Pouilles, révèle une intensité vocale extraordinaire, vocalité particulière au Salento, issue de répertoires anciens. Les deux danseuses Chloé Beillevaire et Mounâ Nemri accompagnent le spectacle de chorégraphies puissantes. Seules ou ensemble, elles incarnent l’énergie des remous de la mer autant que la fluidité de l’onde. Mondher Kilani raconte la Méditerranée à travers la grande Histoire, mais également la sienne, tunisienne et européenne, dans une approche multiculturelle, humaniste et éclairée. Iels offrent les anecdotes de leurs existences, puisque le GdRA invite des personnes qui jouent une version d’elles-même sur scène. D’ailleurs l’utilisation et le mélange des différentes langues des artistes apportent une musicalité supplémentaire au spectacle.

Emaillé de chants et de musiques traditionnelles revisitées, de danse contemporaine, constitué de restitutions d’enquêtes, ce spectacle mêle informations scientifiques, histoires intimes et collectives, poésie, performances artistiques et éloquence du jeu théâtral. Un brassage qui, contre toute attente, donne une authentique et émouvante cohérence à cette parole donnée à la mer Méditerranée.

Au milieu des terres photo © Erik Damiano

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