A Comédie de Genève, du 21 au 23 novembre 2023

Avec Elie Tass, Quan Bui Ngoc, Hyo Seung Ye, Kaori Ito, Mathieu Desseigne Ravel, Mélanie Lomoff, Romeu Runa, Rosalba Torres Guerrero

Le chorégraphe et metteur en scène Alain Platel crée dès 1984 les Ballets C de la B (Ballets contemporains de la Belgique), devenue compagnie de renommée internationale. La création de la pièce Out of Context date de 2009. Elle est une forme d’hommage ou de cadeau à Pina Bausch, fondatrice de chorégraphies impliquant la personnalité unique de chaque participant.e.s.

Le rideau s’ouvre sur une scène vide, seulement équipée de deux micros sur pieds et d’une pile de couvertures.  Silence. Une femme débarque de la salle, monte sur scène, gagne le fond et se déshabille, conservant ses sous-vêtements. Peu à peu sept personnes la rejoignent et font de même. Iels se couvrent chacun.e d’une des couvertures rouge-rose et font face au public.

Leurs approches sont d’abord discrètes: se humer, se jauger, s’imiter, gratter le sol. Des pratiques animales. Des micro-gestes et des micro-sons s’y ajoutent pour s’épanouir ensuite en postures à deux, en sons furtifs, légers gémissements, mimiques et expressions faciales, claquements des dents, puis cris, grognements, gesticulations. Abandonnant les couvertures, des couples, des groupes se forment et se délitent. Iels habitent la scène entière, par moment immobiles, ensuite se mouvant lentement, pendant que d’autres accélèrent. Des impulsions individuelles, des gesticulations chorales, des tressaillements infimes, des crispations catatoniques. Autant que leurs corps, leurs visages s’expriment: timidité, surprise, exaltation, inquiétude, grimacements, sourires…Impossible de décrire toute la créativité de cette chorégraphie.

Telle une archéologie du vivant archétypal, l’animal est présent, la petite enfance humaine aussi, la faune aquatique n’est pas loin et les dinosaures se pavanent.

Hormis les grognements, respirations, râles et brames, une des variations Goldberg, un tempo techno, des fragments de chansons populaires, un karaoké sur Aïcha, un Avé Maria susurré, quelques cris, quelques paroles, une version bouleversante de « Nothing Compares 2 U » et d’intenses intervalles de silence ornent ce spectacle que j’ose qualifier de fresque existentielle, tant les attitudes empruntent à toutes vies.

Une heure et demie de tableaux baroques, de visages animés, de corps tendus, de doigts et d’orteils écartelés, de muscles bandés, de parades animales, de dislocations, d’harmonies, de fragilités arborées, de violence comme de douceur, de secousses convulsives, d’accords complexes, de cohésion totale, de solos décalés… et d’humour! Un assemblage hétérogène exaltant qui engendre un spectacle formidable!