« One Song » Miet Warlop

Au Théâtre du Passage, Neuchâtel, les 13 et 14 janvier 2024

Ce spectacle est le quatrième (IV) du cycle « Histoire du Théâtre(s) » mis en place par Milo Rau et le NTGent. Les trois précédents étant : I- Milo Rau « La Reprise », II- Faustin Linyekula « Indiscipline », III- Angélica Liddell  « Liebestod »)

Nous sommes prévenus, il n’y aura qu’une seule chanson: One Song. Salle de gymnastique ou salle de concert? Des agrès et des instruments de musique sont disséminés sur scène. Des tapis de sol et une contrebasse, un espalier bardé de claviers, une poutre et un tremplin, des éléments de batterie désunis… Au fond du plateau, des gradins attendent les spectateurices.

Photo perso

D’abord, une femme en combinaison orange inspecte l’endroit, puis va s’installer sur le haut de la tribune (où la voilà flanquée d’une troisième jambe), bientôt suivie par cinq supporters que l’on reconnait à leurs écharpes estampillées de slogans. Il s’avère que la personne en orange sera arbitre et commentatrice de la performance. Pour autant, malgré le ton reconnaissable des journalistes sportifs, ses commentaires sont si incompréhensibles qu’ils en sont comiques.

Les athlètes, au nombre de cinq, arrivent au petit trot sous les ovations de leurs fans exaltés.

photo Michel Devijver

La violoniste grimpe sur la poutre où elle exécute des postures d’équilibre tout en jouant de l’archet. Le contrebassiste travaille ses abdos couché sur le dos en grattant ses cordes. Le batteur court de caisse claire en cymbale en passant par la grosse caisse. L’organiste rebondit sur le tremplin pour atteindre son synthétiseur. Le chanteur sprinte micro en main sur un tapis roulant. Le morceau peut commencer et dérouler son cycle qui nous paraît inépuisable.

Toute cette agitation se poursuit dans une forme burlesque qui prête à rire, ce que ne manque pas de faire le public de la salle au contraire des fans sur les gradins complétement et sérieusement  investis par leur passion. D’autant qu’un pom-pom boy en jupette chauffe les émois de l’assistance. Son arrangement de petits mots plâtré forme-t-il une piste de réflexion? Will-do-never-why-up… C’est lui d’ailleurs qui clôturera la représentation au paroxysme de son art, tel un derviche tourneur ou un ange exterminateur.

Photo Michel Devijver, pour info, la poutre mesure 10 cm de large!

Si c’était une recette, elle mêlerait soupe populaire et junkfood! Dans la réalité, le sport et les compétitions entraînent à leur suite des hordes de supporters, et les concerts punk rock  n’électrisent pas moins les foules admiratives des stars de la scène musicale. Sauf que là, pas de frime, chaque participant.e s’écroule sur scène au terme de ce concert cyclique. Et s’il y avait là une image de la vie humaine? Réduire la cadence offre une accalmie bienvenue, pourtant celui qui désire ralentir le tempo du métronome est vite rabroué par le groupe ou par la coach.

Une heure de spectacle où le public ne s’essouffle pas et où le sport ne nous fait pas suer!  La performance reste fascinante du début à la fin et la gravité des participant.e.s n’a d’égale que la drôlerie du spectacle. Il faut saluer l’endurance des interprètes et la cohérence du morceau  alternatif de rock. Sauve qui peut avant que tu crèves, avant que je crève, avant qu’on crève tous. Et après tout, en font-iels plus ou moins que les Rolling Stones en concert?

Avec douze artistes sur scène, nous créons One song, une unique chanson. Une chanson par des voix diverses qui s’expriment et s’engagent, physiquement, singulièrement ; une chanson en forme de concert sur le fond métaphorique de la compétition pour nous inviter à former une communauté, à être à la fois dans l’unité et la diversité, à nous élever mutuellement dans une forme de célébration pour transmettre, avec beaucoup d’intensité, de la joie et de l’émotion par le chant. Comme une explosion d’énergie. Miet Warlop (propos recueillis pour le journal La Terrasse, juin 2022)

Photo perso

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