Tate Modern : trois expositions 2023

En ce mois de novembre, le Turbine Hall se pare de la brillance des oeuvres de El Anatsui. Intitulées Behind the Red Moon, souplement suspendues, trois tentures métalliques monumentales, composées en récupérant des capsules de bouteilles, habillent l’entrée du musée.

A Londres, cette fois-ci accompagnée, nous avons passé pas moins de six heures à la Tate Modern pour trois expositions. Tout d’abord, un tour dans la collection. Un aperçu des salles avec de l’abstraction lyrique, La salle Agnès Martin, la salle Richter, des peintres anglais.e.s renommé.e.s et quelques photographes.

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Un Pollock d’avant le dripping, lorsqu’il suivait sa thérapie jungienne et s’intéressait aux grands mythes. Une oeuvre de Lee Krasner, dont l’exposition en 2020 au Zentrum Paul Klee de Berne m’avait tant plu. Ici juste une oeuvre, exposée pas loin de celle de Pollock, dont on pourrait croire que son travail manque de personnalité alors qu’il est très souvent d’une puissance extraordinaire. Pollock est mort en 1956, Lee Krasner en 1984, 28 ans plus tard et a utilisé des techniques diverses telle que le collage.

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L’intéressante exposition Capturing The Moment  pose la question de la peinture au temps de la photographie. En effet, cette dernière a métamorphosé les pratiques de la peinture. Alfred Stieglitz en a organisé la première exposition du groupe Photo-Secession en 1902, mouvement qui promeut la photographie en tant qu’art et soutient la vision subjective des photographes. Photographie et peinture vont alors peu à peu se chevaucher dans les pratiques artistiques.  Comment peindre avec la photographie? Quelle abstraction en photographie? Les frontières se brouillent et les branches artistiques s’entremêlent…

Les célébrités britanniques, Freud (1922-2011) et Bacon (1909-1992). Ce dernier a représenté son confrère et rival en peinture dans un triptyque célèbre. Une longue amitié qui s’est mal terminée. On les qualifie tous deux de « peintres de la chair » et refusent de séduire par leur art.

Les toiles de deux femmes qui ont émergé du maelstrom artistique masculin il n’y a pas si longtemps, Paula Rego (1935-2022), qui a côtoyé les deux big du dessus au London Group, surtout influencée par le surréalisme, et Alice Neel (1900-1984), peintre féministe et sociale engagée. La première documente la société, ses changements et sa population; la seconde, partie de l’abstraction,  crée une peinture narrative proche du fantastique sans quitter du pinceau une vision féministe des  relations hommes-femmes.

Trois photographes  admirables, très différents, mais reconnaissables à leurs styles et les thèmes qu’ils choisissent. Jeff Wall, référence l’histoire de l’art et photographie une illusion de  spontanéité par des collages techniques et une mise en scène méticuleuse. Andreas Gursky, dans ses grands formats, immortalise des scènes constellées de détails. Hiroshi Sugimoto crée des séries, dont celle sur les Seascapes, des poses longues sur les océans et mers du monde en noir et blanc.

Candida Höfer est allemande et photographie avec rigueur bibliothèques et grands lieux de culture, leur insufflant une force poétique et spirituelle incroyable.

Candida Höfer, Bibliothèque Abbaye de Saint-Gall, 2001

Et pour terminer cet extrait de la Collection en peintures d’après photos ou inspirées de photos : les mythiques bougies de Gerhard Richter – les espaces intimes du corps de Joan Semmel, à la fois peintre et modèle  – l’ambiguïté, entre appétit et dégoût de trois femmes ( en réalité la même) devant  la morbidité d’une dinde, de John Currin – l’ironique portrait en image sexy, augmentée de champignons, de Paulina Olowska – L’autoportrait en pied affirmé de Lisa Brice – Peter Doig et son canoé macabre tiré de Vendredi 13 – la vie transculturelle de l’alter-ego de Njideka Akunyili Crosby, construite avec des images hybrides – la suissesse Miriam Cahn documente par sa peinture les noyades de migrants – un requin pour la prédominance des peintres mâles blancs par Jana Euler – la piscine de David Hockney et ses reflets légendaires – les collages politico-poétiques de Richard Hamilton.

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Vue d’ensemble d’une des salles

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L’exposition A World in Common développe un regard sur la photographie africaine contemporaine. Tout ce qui inclus la prise d’image, par différentes générations d’artistes d’origine africaine. Un accrochage qui tente de révéler comment la photographie permet au passé et au futur de coexister de manière puissante et transformatrice.

Un aperçu non exhaustif de quelques oeuvres parmi ce riche accrochage de sept salles et un épilogue vidéo:

Aïda Muluneh (Water Life series) signifie ici le travail colossal des femmes éthiopiennes pour aller chercher de l’eau saine, tout en en célébrant la beauté de sa culture – Kudzanaï Chiurai rejoue l’histoire coloniale britannique. Simulant le tableau d’Artemisia Gentileschi, elle remplace Judith par la résistante Nehanda Charwe (XIXe) qui a refusé de se convertir au christianisme durant la période coloniale – Andrew Esiebo examine les mutations architecturales de Lagos et les juxtapositions entre modernité et tradition – les figures spirituelles animistes de Fabrice Monteiro mettent en garde sur les questions d’écologie – Zohra Opoku travaille sur l’énormité des déchets textiles au Ghana – Ruth Ginika Ossaï, se saisit du style Nollywood pour magnifier les familles qu’elle immortalise – Em’kal Eyongakpa évoque par son travail les esprits et la mémoire de ses ancêtres – Maïmonna Guerresi s’attache aux pratiques et rituels religieux entre solitude et collectivité – Kiripi Katembo pose un regard original sur la ville de Kinshasa, photographiant la ville et ses habitants dans le reflet de ses flaques d’eau.

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