Edward Steichen (1879-1973) § Humain

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Edward Steichen, Autoportrait, 1898.

Photographe inspiré, que ce soit par la photographie d’art, commerciale, journalistique ou botanique (une passion!), acteur du pictorialisme, peintre sur toile et papier photo, commissaire d’exposition, relais entre l’Europe et les Etats-Unis, l’homme est l’une des clés qui ouvre l’art du XIXe à celui du XXe siècle. Explorant la photo artistique tout en réinventant la photo commerciale, ce boulimique n’est pas aussi renommé que certains de ses illustres contemporains, peut-être même méprisé pour son refus de « l’art pour l’art » et ses « incartades » dans la photographie commerciale.

Edward Steichen with delphiniums (c. 1938), Umpawaug House (Redding, Connecticut). Photo by Dana Steichen. Gelatin silver print. Edward Steichen Archive, VII. The Museum of Modern Art Archives

Edward Steichen est né au Luxembourg d’une famille qui émigre aux Etats-Unis deux ans après sa naissance. Peintre et photographe, ses débuts sont liés au pictorialisme, la première école de photographie artistique et le premier mouvement international de cet art. Dès l’âge de 15 ans, après avoir appris la technique de la lithographie, il commence à photographier son entourage.

Edward Steichen, « Grand Prix at Longchamp, After the Races », Paris, 1907  Image Size: 7 1/4 x 7 7/8 inches – See more at: http://aperture.org/shop/edward-steichen-the-early-years-1900-1927/#sthash.n8kSGUiz.dpuf

A cette époque, grâce à Alfred Stieglitz, la photographie obtient le statut d’art à part entière. Dans le Wisconsin, le journal évoque la polémique autour du Balzac de Rodin. Le jeune Edward, fasciné, part pour l’Europe en 1900 et s’installe à Paris.

Edward Steichen, « The lotus screen », 1909, Huile sur toile, 24x24cm.

Il abandonne alors les cours de dessins, continue la peinture, fréquente les artistes et débute une série de portraits photographiques de grands hommes (et quelques femmes…), projet qui l’accompagnera toute sa vie. Il entame avec Auguste Rodin une relation amicale, leur respect mutuel étant démontré par une large série de photographies des oeuvres du Maître.

Edward Steichen, « Rodin, le Monument à Victor Hugo et le Penseur », 1902,

Le tirage ci-dessus est le résultat d’un montage particulièrement astucieux entre deux clichés, le premier représentant Rodin dont la silhouette se détache devant le Monument à Victor Hugo en plâtre, le second, le Penseur en bronze dans la pénombre. On retrouve ici l’esthétique pictorialiste dans l’absence de netteté, le grain épais du papier et des tonalités en majorité très sombres. On ne peut qu’admirer le talent d’Edward Steichen dans la manière qu’il a eu de souligner le profil de Rodin et de suggérer son génie créateur par l’immersion de ce profil entre deux de ses œuvres les plus connues. A ce stade on peut évoquer la volonté d’interprétation qui caractérise la photographie pictorialiste.magazine Immersion

On nomme pictorialisme, la première école de photographie artistique et le premier mouvement international de cet art. Ce courant rejette la réalité photographique objective et traite le sujet en le réinterprétant esthétiquement à la manière d’un peintre.

Edward Steichen, « The pond Moonlight », 1904

L’impression de coloration de « The Pond Moonlight » est fournie par un travail à la main de gommage sensible à la lumière. La colorisation de photos ne sera effective qu’en 1907.

Edward Steichen, « The Brass Bowl ». Photogravure on tissue-thin Japan paper. Literature: Camera Work 14 (1906)

De retour à New York, fin juillet 1902, Steichen cofonde le groupe de la Photo Secession avec Alfred Stieglitz. La galerie 291, espace avant-gardiste, lieu de liberté, ouvre dans son ancien studio. En 1917, le readymade controversé « Fountain » de Duchamp y sera exposé.

Edward Steichen, Aerial Bombs Dropping on Montmedy, World War I, 1914-18

La Première Guerre Mondiale le voit réaliser des tirages aériens pour les forces alliées, une pratique militaire qui fait ses premières armes, c’est le cas de dire. Il retourne aux Etats-Unis après la guerre et travaille pour la presse. Condé Nast (éditeur des grands titres américains) l’engage en 1923 en tant que directeur de la photographie. Steichen nie la distinction entre photo d’art et photo commerciale.

Edward Steichen, « Wind-Fire – Thérèse Duncan dansant sur l’Acropole », 1921

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Après la touche pictorialiste et la lumière naturelle, c’est en multipliant les éclairages que Steichen met en valeur ses sujets qu’ils soient objets d’art ou commerciaux (photos de mode et publicités). Son travail préfigure la photographie de mode d’aujourd’hui.

Edward Steichen, « Matches and Match Boxes », 1926.

Je ne connais pas toute forme d’art qui n’est pas ou n’a pas été, ou ne sera pas commerciale. Après tout, Michel-Ange aimait aussi à être bien payé pour son travail. Edward Steichen

EDWARD STEICHEN, U.S.S. Lexington, The Blue Ghost, 1943, silver print, printed ca. 1943, 19 1/8” x 23 1/4”

Lors de la seconde guerre mondiale, Edward Steichen est nommé commandant d’une unité photographique spéciale de la marine américaine dans le Pacifique. Son film documentaire « The Fighting Lady », tourné sur un porte-avion, remporte l’Oscar du documentaire en 1945.

A partir de 1947, il sera durant quinze ans directeur du département photographie du MoMA de New York.

Organisant plusieurs exposition pour des photographes français (Cartier-Bresson, Doisneau, Izis, Ronis…), il leur offrira une plateforme de visibilité dont la France manquait à cette époque et, par eux, il fait connaître au public ce que l’on nommera la photographie humaniste. Voir l’article de Etudes Photographiques

Edward Steichen, Conrad Veidt No. 2 (double exposure with Lupe Vélez), Hollywood, 1928. Plus de photos

Il organise sa grande exposition en 1955, « The Family of Man » , qu’il a voulu miroir de la vie. Elle réunit 503 photographies de 273 photographes, professionnels et amateurs, renommés ou inconnus, en provenance de 68 pays. Cette exposition parcourt ensuite le monde jusqu’en 1964. Elle est encore en partie visible au château de Clervaux au Luxembourg, auquel Edward Steichen a souhaité la léguer.

Catalogue de l’exposition

Cette exposition, déjà vue par des millions de visiteurs, fait partie depuis 2003 des documents inscrits dans le registre de la Mémoire du Monde de l’UNESCO. Elle se veut un manifeste pour la paix et l’égalité des hommes et des femmes dans le monde. Les clichés ont été cherchés et choisis pour leur puissance évocatrice durant 4 ans par Steichen et ses collaborateurs. La scénographie est chronologique et immersive, elle relève d’une vision occidentale (américaine!) du monde. Elle a été sujette à de vives critiques avant d’être considérée comme un témoignage en faveur de la paix. Elle est, en elle-même, une oeuvre de Steichen. Pour consulter un article critique sur cette exposition, voir le pdf sur Archives-Ouvertes.

Le lien d’un reportage filmé sur l’exposition (en français) datant de 1956:
https://player.ina.fr/player/embed/VDD11021509/1/1b0bd203fbcd702f9bc9b10ac3d0fc21/wide/1

Peut-être inspiré par la démarche de Steichen, le film de Yann Arthus-Bertrand intitulé HUMAN (2015) rassemble les témoignages de personnes provenant de toute la planète. Lui aussi controversé pour son financement ou ses commentaires clichés, il n’en reste pas moins un documentaire souvent poignant, glorifiant la diversité de l’humanité.

Catalogue de la rétrospective Steichen au Jeu de Paume, Paris, 2007

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6 réflexions sur “Edward Steichen (1879-1973) § Humain

  1. Un magnifique article pour un travail magistral. Il fait partie de ces artistes qui démontrent que la frontière et la peinture est ténu. C’est du grand art. Merci pour lze partage Culturieuse ! 🙂

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