Au théâtre de Vidy-Lausanne du 19 au 29 mai 2021, Genève en septembre et NTGent en 2022.
Un plateau blanc pourvu de cloisons partielles en perspective sur les côtés, en fond de scène, une photo de jungle sépia.
Un buste vivant imbriqué dans un socle accueille les spectateurs, c’est celui de l’actrice qui répète machinalement les paroles d’une caissière de supermarché en plein travail, suivies par celles d’une parfumeuse ou d’un conducteur de taxi. Une entrée en matière par le rire, avant de réaliser que ces postes de travail risquent d’être sous peu supplantés par l’automatisation. On n’arrête pas le progrès!
Cette sculpture parlante dotée d’un humour pince-sans-rire préfigure les tableaux vivants qui seront installés durant la représentation: des dioramas constitués d’objets divers qui matérialisent les stades de l’évolution sociétale.

Partant de l’historique du site même de Vidy, la narration (défilant en surtitrage) reflue vers le passé de ce lieu jusqu’aux origines du monde, où la comédienne réapparait en Eve s’essayant à allumer un feu connecté. Le lien est enclenché. A partir de ce jardin d’Eden, nous serons invités à remonter le temps, étape par étape, de philosophes en économistes, d’évènements en découvertes, ne négligeant aucun palier d’adaptation destiné à comprendre comment le progrès a fait de l’humanité ce qu’elle est devenue.
Chaque période traversée recueille son lot de matériel idoine. Depuis les plantes et animaux des origines, en passant par les perruques du XVIIe jusqu’aux multiples atomiseurs des années 70.
Il y a évidemment beaucoup à dire sur cette rétrospective de la mécanisation et du progrès dans l’histoire de la société humaine. Cela est mentionné uniquement par le défilé du texte surtitré, d’où une activité de lecture assidue pour les spectateurs et ce qui pourrait apparaître comme certaines longueurs dans le déroulé du spectacle. Adapter sa lecture au rythme de la machine s’avère exigeant. N’est-ce pas ce que le processus du spectacle veut nous faire comprendre?
Les interventions hilarantes de la comédienne Rébecca Balestra donnent une couleur humoristique très réussie à ce scénario d’une richesse culturelle impressionnante.

Défilant dès le mythe de Prométhée, les escales de ce voyage dans le temps affichent, entre autres, un passage médiéval scintillant mais stagnant d’innovations, le Dr Guillotin et son invention jugée humaniste, les Luddites briseurs de machines, le darwinisme social, le film «Boulevard du crépuscule», Anna Harendt et Guy Debord, sans oublier Naomi Klein et j’en passe. La première presse mécanique, l’avènement du libéralisme économique, la société du spectacle, le suicide écologique… progrès et innovations ne cessent de changer le monde. Pour le meilleur des pires?

De retour dans le monde contemporain, la scène est recouverte des objets significatifs de cette traversée temporelle. Un véritable cabinet de curiosité retrace les époques visitées. L’avant-scène, dernière halte du périple, est envahie par une multitude de bibelots d’un kitsch suranné où dominent les effigies de chats, symboles idolâtrés de la Toile www. Un couple de mannequins d’une blancheur immaculée remplace toute trace de vie.
C’est une visite commentée de cette installation d’art contemporain qui clôt la représentation. La voix est humaine, mais le commentaire parfaitement représentatif de ce monde semble presque aussi désincarné que la lecture des surtitres.
Création très intéressante. Je serai curieuse de la voir si elle passe dans ma région…
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J’espère que tu en auras l’occasion! Bonne semaine!
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