BADABOUM!
La pyramide s’effondre. Du haut de la phallocratie, les siècles qui contemplaient la toute puissance virile avec condescendance détournent le regard. Le muscle a servi, il est maintenant obsolète, détrôné par l’automatisation. Celle-là même qui a permis la libération du langage. Sans visage et sans corps, on ose, pour le meilleur et pour le pire, balancer à la toile ses maux et ses mots. Ce qui n’est pas nommé n’existe pas.
Après le King Kong de Virginie, Chloé réveille la sorcière qui est en nous, celle qui n’a pas été brûlée, celle qui fermentait depuis des lustres. Elle lui offre les mots justes, les mots escamotés par le pouvoir alpha, les mots trop sauvages pour être domestiqués: uxoricide, autrice, sororité. Elle crée le papatron et le couillidé, sous la tweetelle desquels la Belle s’est endormie. Et ces mecs ne sont plus du tout « too much ». Cocodi cocoda, c’est terminé.

Un peu plus de cent pages et onze chapitres pour dire la quatrième vague féministe. La première étant le droit de vote, la deuxième les différents féminismes 60-70’s et la troisième, couleur arc-en-ciel, l’activisme des années 80. Sa houle charrie de nouvelles technologies qui submergent la plage abandonnée et inonde le monde du nouveau féminisme 2.0. Les témoignages s’accumulent par les affluents des réseaux sociaux, formant bientôt un delta, alimentant la crue des débordements d’un patriarcat maintenant élimé.

Le style percutant de Chloé Delaume ne prend pas ses lect.rice.eur.s pour des ignorants tout en restant clair et abordable. Chaque phrase mérite un arrêt sur image mentale et réminiscence personnelle. Au chapitre statistique, malgré la régression de la fabrication des poupées Barbie, le partage des tâches ménagères par les hommes peine à décoller. Ken occit Barbie tous les trois jours en France. Laquelle déclare un viol toute les quarante minutes.

Parsemant son récit d’histoires vécues, Chloé offre le cash de ses expériences violentes, qu’elles se soient déroulées lors de son putanat ou dans une réunion féministe, chez Tatie ou dans le préau. Sa scène primale à elle, on la devine horrifiante. Son style est celui d’une boxeuse-danseuse, il contient du sang et des larmes, du bruit et de la fureur, de la grâce et du talent, de l’audace et de l’intelligence.

Ce qui n’est pas nommé n’existe pas. Ce qui n’est pas ou plus prononcé disparaît des esprits. L’Eglise et l’Etat, autorités patriarcales, s’en remettent à l’Académie française depuis 1635. La sororité c’est dangereux, un mot qui désigne une classe féminine! Vous n’y pensez pas, voyons, aux oubliettes et le concept avec! Fraternité en revanche, ça sonne mieux et depuis longtemps. Si longtemps d’ailleurs qu’on en oublié le sens…d’horizontalité. Tous frères, les gars? Cols blancs, cols mao, cols roulés, sans col? Se pousser du col, plutôt. Le mot sororité, son renouveau, garde l’idée d’unité, d’égalité, de lien.
Utiliser ce mot, c’est modifier l’avenir. Chloé Delaume (p.99)
L’image de cette multitude de Pussy Hat face au potentat Trump qui « Grab them by the pussy ». Ok, c’est juste une image, mais comme elle revigore! TUTTO

La femme, juste femme et rien d’autre, la nullipare comme la nomme Chloé. Celle qui ose la liberté de ne pas se reproduire, l’intensité d’exister juste pour elle-même, celle qui trouve ses propres raisons de vivre sans être astreinte par la maternité. Cessons de la trouver suspecte ou égoïste, son renoncement à l’inconditionnel (amour ou haine) de l’engendrement est un choix respectable et pas si facile.

Un mot, un hymne, un jeu, quelques trucs pour rester vigilant.e.s. J’ajoute, inclure nos partenaires masculins, certains n’ont pas chopé la grosse tête de Donald, certains tentent de se désengluer du sexisme ordinaire, celui qui passe souvent inaperçu.

Le chant des partisanes de Chloé:
Copine, entends-tu le pouvoir de ce mot sur nos peines?
Copine, entends-tu rire ce jour où ta vie vaut la sienne?
Ohé! féministes, sufragettes jusqu’au-boutistes, c’est l’alarme!
La sororité modifie le goût du sang et des larmes. (…)
Le pronom militant iel, iels:
Plutôt que « mille femmes et un homme contents« , habituons-nous à l’usage du pronom neutre et aux petits points. Penser autrement qu’en mode binaire. Ce qui n’est pas nommé n’existe pas.
Le jeu du Badaboum:
Pour nourrir la quatrième vague, lire « Mes bien chères soeurs », puis, l’oreille aux aguets, le sourire aux lèvres, faire s’écrouler la pyramide des remarques, gags, injonctions sexistes et murmurer, dire ou crier « Badaboum! » ou papaboum… c’est drôle et c’est pas cher, ça se joue seule ou à plusieurs.
La sororité, une démarche:
Faire bloc, réagir à la gaudriole graveleuse, se porter mutuellement un regard bienveillant, se désaccoutumer de la comparaison, de la rivalité, devenir mamatrone, et s’il faut faire voeu, choisir celui de la transmission, adopter la sirène hurlante de l’uxoricide et du viol. Et tu fais le petit effort de ne plus traiter ta soeur de connasse, même si quelquefois tu le penses.
Merci copine Chloé, ma soeur. L’immobilité est triste et je vais lire tous tes livres.
§
Attention « descent » ne se traduit pas par descente, mais filiation, héritier ou descendance. Un hommage au livre de Darwin par lequel précise sa théorie de la sélection sexuelle. Grayson Perry par son art, ses émissions de télévision, ses écrits et son comportement, déconstruit le concept jusqu’ici inaltérable de masculinité, l’éducation virile obligatoire des enfants mâles, et analyse ses méfaits destructeurs et sa toxicité. Ne s’arrêtant pas là, il suggère des améliorations, propose une redéfinition des rôles, imagine un homme différent, assoupli, émotionnellement attentif à lui-même et, en conséquence, aux autres. Il pointe the default man (l’homme défaillant) et le department of masculinity, glorifie le nounours consolateur de son enfance, se travestit par goût et tonitrue de sa voix de basse qu’il est sérieux et burlesque à la fois.
«C’est un essai anthropologique sur la crise de la virilité contemporaine avec des propositions pour libérer les hommes du poids qu’ils portent depuis des siècles, ce poids qui les oblige à se montrer forts et puissants, à cacher leurs sentiments. Tout cela dans le but de créer une société plus juste, où les rôles entre hommes et femmes seraient plus équilibrés» Lucia Pesapane, commissaire de l’exposition à la Monnaie de Paris (dossier).
« Les hommes ont peur que l’on se moque d’eux, les femmes ont peur de se faire tuer. » Grayson Perry
Qu’il soit très vite traduit en français, please!

bien vrai!
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on voit que tu n’a pas du tout aimé…… (tzzzz) Merci !!
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