« Crowd » de Gisèle Vienne § Rave party

@Frédérique Cantù, Alexandre Sertelet, Pascal Lustig, Khalid Mamoun (ARTE)

En littérature, ce serait un recueil de nouvelles. Celles de Carver revues par Lish, brèves, percutantes et ciselées.

En art vidéo, ce serait Bill Viola. Sa fascination pour la rencontre, la lenteur, le déploiement.

En peinture, une déposition du Caravage. La lumière y est aussi primordiale que l’expression des visages.

La scène est recouverte de terre et jonchée de détritus. La puissance de la musique électronique invite les esprits et les corps à la transe. Néanmoins, les personnages investissent avec lenteur ce territoire désaffecté. Ralentis mais pas retenus, comme en apesanteur mais toniques. Ils sont jeunes, on le perçoit à leur habillement. Encapuchonnés, chaussés de basket, cannettes à la main. Certains se reconnaissent, d’autres se toisent. Des visages expriment la joie et l’heureuse attente de la fête, l’anxiété ou encore l’indifférence. Les mouvements s’accélèrent, deviennent saccadés, pourtant toujours à l’unisson. Puis, comme si quelqu’un avait appuyé sur la touche pause, tout  s’arrête, sauf pour un ou deux protagonistes. Focus sur eux. Puis l’ensemble reprend, l’espace est totalement investi. Echanges, disputes, rencontres, désirs, caresses, fusions, agressions, réconforts, regards. Mouvement de foule imperceptiblement conjugué. Et stop. Silence. Immobilité. Photo de groupe. Alors à nouveau la danse, comme une houle.  Vitesse, gestes décalés, cris, rires, signes, chutes, pleurs. Unions et désunions. Plaisir et chagrin. Douceur et violence. Les enjeux vitaux de l’adolescence.

Photo Estelle Hanania

La musique se fait spatiale, d’une fille s’échappe une fumée dense. Sur le fond obscur s’étire un nuage où les silhouettes s’impriment et pénètrent. Enfin, maculés et suants, ils sortent lentement.

« Dans Crowd, les 15 danseurs, sur scène, sont aussi des personnes dont la psychologie, l’imagination, les sentiments et l’histoire sont des composantes essentielles de la pièce. » Gisèle Vienne

Gisèle Vienne est aussi plasticienne et cela se ressent avec bonheur. Sa foule contemporaine est d’une esthétique picturale. Tableaux dramatiques et scènes de genre. On y sent la joie de la vie comme la menace de la mort. Le temps s’y démultiplie ou s’arrête: on y constate sa relativité,  une durée différente dans le même instant.  La musique, mixée et sélectionnée par Peter Rehberg, a-t-elle été conçue avant ou l’a-t-il  plaquée sur la chorégraphie? De fait, accrochés au rythme ou en nonchalante rupture, les quinze danseurs transmettent une harmonie corporelle, musicale et temporelle captivante car insolite. On s’attache à leurs brèves histoires, on les reconnaît : ils sont l’existence même.

Photo Estelle Hanania

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Les pratiques sociales, rituels et évènements festifs sont des activités coutumières liées à la vie de groupes. Ils affirment l’identité des participants et sont liés à des évènements importants pour la communauté.(article de l’Unesco).

La « rave party », née dans les années 90, est un évènement festif empreint de rituels menant à la transe. Elle permet un défoulement collectif, le sentiment d’appartenance au groupe et la transgression des codes du quotidien. Le verbe anglais To rave est traduit par délirer, s’extasier. Il provient du français ancien, d’où est issu le verbe rêver dans ce sens de délirer.

Copie (auteur inconnu) d’après Pieter Bruegel l’Ancien, la Danse de noces en plein air (datée 1566) Anvers, Musée des Beaux-Arts.

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