« Un recyclage poétique du réel urbain, industriel, publicitaire » Définition de Pierre Restany, critique d’art, auteur du « Manifeste des Nouveaux Réalistes ».
Le Nouveau Réalisme est un des premiers mouvements que l’on peut qualifier d’art contemporain européen. Il s’inscrit dans un mouvement général qui renouvelle le langage artistique (Pop Art, Fluxus, Néo-Dada…). En opposition avec l’art figuratif (représentation) et l’abstraction lyrique (expression des sentiments), ces artistes novateurs ne travaillent plus les matériaux dits « nobles » (pierre, bronze…), mais le plastique, la ferraille, le béton, les objets de consommation courants. Ils s’approprient le réel, le présente et non le représente. Accumulation, compression, tableau-piège, assemblage, emballage, système mécanique, affiche lacérée …en sont les différents médias .
Sa jeunesse, jalonnée de voyages (Italie, Allemagne, Espagne) est marquée par sa passion pour le judo. En 1952, il vit quinze mois au Japon et en revient avec le meilleur niveau européen dans ce sport. Il publie, deux ans plus tard, deux recueils de monochromes qui interrogent sur l’illusion dans l’art, rencontre Pierre Restany et expose des monochromes de différentes couleurs à Paris :
Carton d’invitation à l’expo (1956)
En 1956, il met au point sa formule du bleu outremer avec un nouveau procédé conservant la brillance des pigments. Il le nomme IKB (International Klein Blue). Le liant qui le compose est une marque déposée.
Monochrome Painting IKB190 1959
« Le bleu n’a pas de dimension, il est hors dimension, tandis que les autres couleurs, elles, en ont. Ce sont des espaces pré-psychologiques… Toutes les couleurs amènent des associations d’idées concrètes… tandis que le bleu rappelle tout au plus la mer et le ciel, ce qu’il y a après tout de plus abstrait dans la nature tangible et visible. » Y.K.
Dans son activité artistique et dans sa vie, Klein entretient un rapport au corps très important. Il peint en compagnie de ses modèles nus. Lui vient alors l’idée que ses modèles peignent eux-même le monochrome. Une collaboration. Les Anthropométries de l’époque Bleue explorent en environ 180 oeuvres, la technique du pinceau vivant.
La première présentation publique eu lieu le 9 mars 1960 à la galerie nationale d’art contemporain. Tenue de soirée, orchestre jouant la symphonie Monoton (20mn d’un son continu, 20mn de silence) et trois modèles nus enduits de peinture bleue que Klein dirige vers la toile.
ANT 13
ANT 79
Cosmogonie COS 31 (1960), 62×48 cm
Portrait-relief Arman 1962, 175x95x26 cm
Artiste et homme en recherche perpétuelle, il développe ses projets: travaille sur les éléments (cosmogonies, exposition de la toile au intempéries), l’éponge (qui imprègne en s’imprègnant, métaphore de l’art), la dorure (apprise en 1949 chez un encadreur), la peinture ignée (silhouettes mouillées travaillées au chalumeau), le vide et l’espace…
« Le saut dans le vide », (photo Harry Shunk et John Kender)
Titre de l’œuvre d’Yves Klein d’après son journal (édition spéciale personnelle!), Dimanche 27 novembre 1960 :
« Un homme dans l’espace ! Le peintre de l’espace se jette dans le vide ! »
Le manifeste de l’hôtel Chelsea rédigé après le mauvais accueil de son exposition new yorkaise en 1961:
Attendu que j’ai peint des monochromes pendant quinze ans,
Attendu que j’ai créé des états de peinture immatérielle,
Attendu que j’ai manipulé les forces du vide,
Attendu que j’ai sculpté le feu et l’eau et que, du feu et de l’eau, j’ai tiré des peintures,
Attendu que je me suis servi de pinceaux vivants pour peindre, en d’autres termes du corps nu de modèles vivants enduits de peinture, ces pinceaux vivants étant constamment placés sous mes ordres, du genre : « un petit peu à droite ; et maintenant vers la gauche ; de nouveau un peu à droite », etc. Pour ma part, j’avais résolu le problème du détachement en me maintenant à une distance définie et obligatoire de la surface à peindre,
Attendu que j’ai inventé l’architecture et l’urbanisme de l’air – bien sûr, cette nouvelle conception transcende le sens traditionnel des termes « architecture » et « urbanisme », mon but, à l’origine, étant de renouer avec la légende du paradis perdu. Ce projet a été appliqué à la surface habitable de la Terre par la climatisation des grandes étendues géographiques, à travers un contrôle absolu des situations thermiques et atmosphériques, dans ce qui les relie à notre condition d’êtres morphologiques et psychiques,
Attendu que j’ai proposé une nouvelle conception de la musique avec ma « symphonie monoton »,
Attendu que parmi d’autres aventures sans nombre, j’ai recueilli le précipité d’un théâtre du vide, (…)
Le manifeste en entier : http://www.yveskleinarchives.org/documents/chelsea_fr.html
Réalisé peu avant son décès, l’oeuvre ci-dessous condense l’anthropométrie, la peinture de feu, le fameux monochrome bleu (IKB, International Klein Blue, breveté en 1960) et le pigment rose.

Yves Klein en deux minutes : cliquer ICI
Pour tout savoir sur le BLEU…Michel Pastoureau est le grand guide de l’histoire des couleurs.
Longtemps, le bleu a été mal aimé. Il n’est présent ni dans les grottes paléolithiques ni au néolithique, lorsque apparaissent les premières techniques de teinture. Dans l’Antiquité, il n’est pas vraiment considéré comme une couleur; seuls le blanc, le rouge et le noir ont ce statut. A l’exception de l’Egypte pharaonique, où il est censé porter bonheur dans l’au-delà, d’où ces magnifiques objets bleu-vert, fabriqués selon une recette à base de cuivre qui s’est perdue par la suite, le bleu est même l’objet d’un véritable désintérêt.

En 1988, je suis allée à NYC. J’en ai profité pour aller au MOMA histoire de visiter un peu. J’ai vu une toile couverte de bleu. Je voyais des gens s’extasier dessus et je me disais que ces gens étaient de parfaits idiots. Ils n’arrêtaient pas de dire « nice » à tout bout de champ et ça m’énervait. Quand j’ai réellement commencé à m’intéresser à l’art contemporain, j’ai compris que j’avais raté l’occasion d’apprécier une des oeuvres rares et majeures du siècle dernier… Depuis je cultive ma honte dans un coin en espérant avoir de nouveau l’occasion de retourner au MOMA et faire ainsi mon mea culpa.
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Mais noooon, pas de honte à avoir! On a tous passé par là!
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