« Veni, Vidy, vici » Davide-Christelle Sanvee

Au Théâtre de Vidy, les 16, 17, 19 30 avril 2024

(Photo en-tête © Claudia Ndebele)

(Aujourd’hui, 30 avril, le bâtiment du théâtre conçu par Max Bill a 60 ans tout juste!)

« Performeuse d’intérieur, » voilà l’une des appellations que donne Davide-Christelle Sanvee de son travail. C’est l’architecture des lieux qui interroge son regard et son ressenti. Ses créations interagissent avec l’édifice tout en y inscrivant une réflexion sociale et politique.

L’artiste nous guide pour une visite des lieux originale et inaccoutumée. Livrant son point de vue personnel, enrichi de digressions et d’anecdotes, sa voix accompagne le public intimement puisque chacun.e est muni d’un casque audio.

Photographe © Claudia Ndebele

Le premier acte, Veni, s’attache au passé. Le pavillon, bâti pour l’exposition nationale de 1964, explore les thèmes « éduquer et créer ». Nous sommes dans la salle 76, La Passerelle . Il n’y a que quelques chaises, le reste du public est debout. Elle apparait en hauteur, déambulant sur les passerelles du cintre. Vêtue d’une longue robe scintillante, elle nous parle d’expositions et qualifie le  regard : curieux, fixe, voyeur, supérieur, humiliant, honteux… Quelle différence entre voir et être vu? Le public, dans la fosse, lève les yeux pour la voir. Savions-nous que durant l’exposition nationale de 1924, la ville de Lausanne accueillait un village africain? Un zoo humain… Tandis que l’eau du lac suinte du sol, elle déclare « Le racisme est l’eau dans laquelle on baigne, vos yeux me verront toujours comme un animal ».

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Le deuxième acte, s’intitule Vidy. Le public se déplace dans le foyer (la Kantina). Davide-Christelle Sanvee y évoque le théâtre lui-même et ses différents directeurs. Un mur paravent, composé de plaques métalliques telles qu’en est tapissé le bâtiment, sera le castelet d’un théâtre de marionnettes à gaines, lesquelles représentent l’architecte Max Bill et trois des directeurs qui s’y sont succédés à Vidy: Charles Apothéloz, René Gonzalez et Vincent Baudriller. Leurs interventions, par des volets mobiles, se font dans la tradition du théâtre guignol, avec humour et exagérations vocales. Puis apparaissent deux personnages assez fâcheux, l’eau et la rouille, fatales incarnations pour les constructions du bord du lac.

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Dernier acte, vici, donc vaincre. Nous nous déplaçons à l’extérieur et nous installons sur des sièges dans la cour des arts. La voix de la comédienne, toujours dans nos oreilles, nous avertit : nous avons avancé dans le futur d’une vingtaine d’année. Pluies et orages dévastent les environs, simulés par des effets pyrotechniques. Faut-il vraiment sauver l’architecture des trente glorieuses, laquelle n’était d’ailleurs pas destinée à durer? Sur le toit du bâtiment, telle une moderne Pythie, sa silhouette minuscule semble évoluer sur un énorme paquebot. Elle nous hèle et nous exhorte. Les lettres du mot MAYDAY s’enflamment à ses côtés. A quoi va-t-on destiner nos efforts? Aux architectures ou aux hommes?

Un spectacle qui, partant de l’architecture, questionne sur une variété de domaines allant du pouvoir au regard, passant du racisme à l’élitisme, de l’entropie à l’effondrement. Ludique et avisé, mené avec fantaisie et brio par la voix et la présence d’une artiste à suivre, aussi attachante que pertinente.

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