« Retour à la cerisaie » Alexandre Doublet

Au théâtre de Vidy du 22 au 25 juin 2022

avec Anne Sée, Pierre-Isaïe Duc, Malika Khatir, Elie Autin, Arianna Camilli, Delphine Rosay Gomez Mata


Le spectacle se joue en extérieur…. habituellement….et le public a la permission d’être mobile.

Photo Théâtre de Vidy

Une silhouette, un squelette, le fantôme d’une maison. Il en reste la forme globale, comme un dessin d’enfant.
Ce sont d’ailleurs des voix d’enfants qui ouvrent la pièce, ceux que Marguerite Duras a interrogé dans les années soixante. Coiffés de nos casques de silent party, nous les entendons dire leur vérité, une vérité sans fard, puisque presque sans mémoire. Comment retrouver cette vérité si nue et si confiante?

Partant de la célèbre pièce de Tchekhov, Alexandre Doublet crée un texte contemporain qui part de l’intime et se déploie vers l’universel. Le chagrin inextinguible du deuil d’un enfant, la rage d’assister impuissants à la destruction de la biodiversité, l’attachement à un passé révolu, la conviction du projet personnel qui balaiera tout, les rêves de jeunesse abandonnés…

Cette maison symbolique est bâtie de souvenirs. Chacun.e a la sienne.
Catherine est de retour dans sa maison d’enfance après une longue absence. Elle y retrouve ce qu’il reste de sa famille: ses filles, Esther et Cassandre, son frère, Ismael et Lozen l’ancienne domestique. Et sa mère aussi, ou plutôt l’esprit de sa mère, l’âme inaltérable de ces murs invisibles. La maison est vendue, il faut se résoudre à la quitter. Face à cet impératif, on se permet la vérité. Chacun.e la dira à sa manière: déchirante, raisonnable, triste, furieuse, intéressée ou radicale.

Photo ADVQ©Magali Dougados

Les comédien.ne.s entourent et investissent ce spectre de maison et conjointement leurs voix sont habillées par des ambiances sonores. Les spectateur.rice.s, grâce aux casques audio, se sentent au plus proche de leur souffle, et ceci, sans subir de distraction environnante. Le spectacle peut donc se jouer au centre d’un lieu traversé de bruits.
La lumière, uniquement diffusée par un steadylight dirigé à vue par un cadreur, est de toute importance. Débutant avec la lumière du jour, la pièce évolue dans la pénombre, puis la nuit. Le halo lumineux dirigé sur le personnage le décrit de plus en plus précisément, tout comme son discours. Le final, autour d’un dernier repas, se déroule à la lueur des bougies et évoque la douceur d’une certaine cohésion intime.

Aussi bien que leurs paroles, l’intensité du jeu des comédien.ne.s, tout en finesse et expressivité, révèle les sentiments des personnages. Trois morceaux de musique frappants ponctuent la pièce avec bonheur, occasionnant des réminiscences même dans le public. Interprétés par le groupe Niagara, Kate Bush et Nina Simone, ces voix de femmes bouleversantes ajoutent à la profondeur du propos.

Photo ADVQ©Magali Dougados

Au vu d’une météo orageuse, ce soir-là le public a pu admirer la souplesse et l’audace de la troupe, interrompant un début de spectacle sous la pluie pour le poursuivre, après quelques préparatifs, à l’intérieur de la Kantina, dans un décor de tables repoussées. Au plus près de ces interprètes remarquables, le public a chaleureusement salué la pièce.

 

Une réflexion sur “« Retour à la cerisaie » Alexandre Doublet

Laisser un commentaire