«Catarina e a beleza de matar fascistas (Catarina et la beauté de tuer des fascistes)» de Tiago Rodrigues § dilemme

Du 30 septembre au 3 octobre au Théâtre de Vidy-Lausanne, puis à Toulouse, Cherbourg, Paris, etc.
En portugais, surtitres en français et anglais.

Vous souhaitez un théâtre intelligemment divertissant? Vous voudriez être dépaysé tout en étant relié à notre temps? Vous vous interrogez sur l’avenir des démocraties? Sur la montée du populisme? Vous signez des pétitions? Vous êtes révoltés par les propos fascistes? Vous doutez de vos convictions? Ou au contraire, vous êtes persuadé d’avoir raison? Vous détestez les donneurs de leçon mais vous adorez les histoires?

Voici ce qu’il vous faut: le formidable nouveau spectacle du génial Tiago Rodrigues.

Il était une fois une famille où tous et toutes se nomment Catarina, où toutes et tous sont vêtus de longues jupes traditionnelles, une famille de paysans dont les plus jeunes étudient à la ville. Ce jour-là, les Catarina se réunissent pour un repas familial. Depuis plus de 70 ans, chaque année à cette date, l’une d’entre elles est désignée pour tuer un fasciste.

La famille compte sept Catarina de trois générations. Mais c’est sans compter l’ancêtre disparue, la Catarina d’origine, celle dont la tragédie a conduit à l’inscription de ce rituel familial. Cette année, c’est au tour de Catarina, la fille préférée, de passer à l’acte. Sa première fois. Un jour de fête, un rite célébré et attendu par tous les membres du clan.

Le sol est terreux. Une cabane de bois surélevée, envahie par un chêne-liège, trône au centre de la scène: c’est le foyer, l’origine, les racines. D’un côté, une longue table garnie attend les convives. Pour l’instant, il n’y en a qu’un, en bout de table, silencieux et incongru, dans une tenue de ville.

Durant les presque trois heures que dure la représentation, pas un instant d’ennui. Entre humour et gravité, philosophie et politique, réalité et fiction, cet essai, ce conte initiatique, nous entraîne dans une spirale de récits, de questions, de situations, tous plus passionnants les uns que les autres.

 

« De quelle façon les démagogues populistes d’extrême droite, déjà habitués à exploiter la peur et le malheur, vont-ils exercer leur opportunisme politique face à la pandémie et à l’inévitable récession économique qui bientôt se fera sentir? Dans quelle mesure le sentiment d’impuissance des démocraties va-t-il s’aggraver face à la présence de ces hôtes indésirables qui déploient leurs rhétoriques xénophobes et autoritaires, en invoquant la valeur fondamentale de la liberté d’expression? Quels types de violence systémique donneront lieu à de violentes éruptions d’indignation? À quel point le déchirement jalonnera les mêmes sociétés qui choisissent aujourd’hui la solidarité et le consensus comme moyen de combattre la crise? À quel point la diversité de convictions qui nourrit la démocratie sera-t-elle menacée par l’unanimisme ou le totalitarisme? Combien de temps passera-t-il avant que des peuples vivant aujourd’hui démocratiquement ne se rendent-ils pas disponibles pour envisager d’accepter des dictatures exceptionnelles pour résoudre des problèmes exceptionnels? »

Tiago Rodrigues, note d’intention du spectacle.

Non seulement le propos est intelligent et sensible, mais le scénario est palpitant, la mise en scène incroyablement vivante et inventive. Le décor se meut avec l’action grâce à des parois mobiles déplacées à vue. Un subtil jeu de lumière s’immisce entre les murs du foyer. La musique et le chant choral corroborent l’intrigue, renforcés par des moments de chorégraphie. L’interprétation de chaque comédien est formidable d’intensité.

Alors, oui, le public doit être concentré, il doit apprécier un texte exigeant, émaillé de dialogues loquaces et goûter aux diverses argumentations. Et figurez-vous que tout cela fonctionne à merveille! Car, face au dilemme moral et affectif de l’élue, chaque spectateur se fait sa propre  idée… Mais c’est sans compter un dénouement magistral qui nous ébranle et nous transformerait presque de docte Jekyll en Hyde prêt à toutes les dérives…

Vivement une publication en français du texte de cette pièce incendiaire!

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Le dilemme, comme celui auquel est confrontée Catarina, est une situation qui nécessite de faire un choix entre deux solutions aussi insatisfaisantes l’une que l’autre. Une double proposition qu’il faut résoudre en un temps donné par les circonstances.

5 réflexions sur “«Catarina e a beleza de matar fascistas (Catarina et la beauté de tuer des fascistes)» de Tiago Rodrigues § dilemme

  1. Je me languis encore plus de voir ce nouveau spectacle de Tiago RodrigueS (tu as écrit RodrigueZ deux fois dans ton article). J’enchainerai l’adaptation française de son « Choeur des amants » avec David Geselson et Alma Palacios et cette pièce. Et le texte, normalement, parait aux Solitaires Intempestifs en novembre… (traduction du fidèle Thomas Resendes)

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