Georg Baselitz (1938) § Art et Allemagne

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All images copyright Georg Baselitz.

Peintures et sculptures à la Fondation Beyeler jusqu’au 29 avril 2018 ainsi que les oeuvres sur papier au Kunstmuseum de Bâle, Suisse, pour le 80e anniversaire de l’artiste.

Rétrospective au Centre Pompidou jusqu’au 7 mars 2022: Podcast ICI!

Né Hans-Georg Stern, il prend le pseudonyme de Georg Baselitz en 1961, du nom de son lieu de naissance en Allemagne de l’Est. Il s’essaie à la peinture dès l’âge de quinze ans. Il étudie les Beaux arts à l’Est, puis à l’Ouest où il s’installe en 1958, avant la construction du Mur. C’est là qu’il rencontre Elke, sa future épouse, son modèle féminin récurrent. En voyage à Paris, ils visitent toutes les galeries d’art. Il y découvre l’expressionnisme abstrait américain, Soutine, Duchamp, Picabia, Dubuffet, etc. et compose son premier Manifeste  pandémonique en 1961.

En 1963, à Berlin, a lieu sa première exposition personnelle. Deux de ses oeuvres, jugées outrage public à la pudeur, pornographie et insulte à l’Allemagne,  font scandale. Elles sont saisies et ne lui seront rendues que deux ans plus tard.

Georg Baselitz, « Die grosse Nacht im Eimer » (« La Grande Nuit foutue »), 1962-63 ‒ huile sur toile

Le mouvement néo-expressionniste émerge dans les années 70 en réaction contre l’abstraction, l’art conceptuel et le minimalisme. Ce qui fut perçu comme une provocation dans le contexte de l’art allemand d’après-guerre. Malgré cette proximité, Baselitz récuse son assimilation avec tout mouvement.

Ce qui peut également caractériser le Néo-expressionnisme, outre son expressivité plastique, c’est sa forte implication sociale et politique, et le retour de thèmes empruntant à l’histoire, au mythe ou au primitivisme – mais également au sexe, souvent abordé frontalement. Surtout, ces artistes ne se sentaient pas obligés de glorifier le monde ou de « falsifier la réalité », comme l’a dit Francesco Clemente, mais cherchaient au contraire à le représenter tel qu’il existe, jusque dans sa laideur, ce qui conduisit à de violents débats sur la valeur et le but de la peinture. Source : Article néo-expressionnisme

Georg Baselitz, « Oberon », 1963
Dans un contexte artistique marqué par l’abstraction en Europe occidentale et aux États-Unis, les néo-expressionnistes allemands vont opérer un retour à la figuration. Ils puisent leurs références dans les racines culturelles germaniques, celle du Romantisme allemand, mais aussi celle des deux grands mouvements de la modernité en Allemagne, « Die Brücke » et « Der Blaue Reiter ».Dossier MAM St-Etienne

En 1965, suite à l’obtention d’une bourse de six mois à Florence, il réalise la série des Tierstück (Bout d’animaux), puis la série des Héros (Fiche « Héros » du Guggenheim Bilbao). Celle-ci, constituée de 60 peintures et 130 dessins, montre des personnages vêtus d’uniformes déchirés, usés. L’uniforme représente une appartenance et un déni d’individualité. Pour l’artiste, cette série évoque la destruction et le malheur.

Je suis un artiste allemand. Ce que je fais est enraciné dans la tradition allemande. C’est laid et expressif. Georg Baselitz

Georg Baselitz, « B für Larry », 1967

L’oeuvre ci-dessus fait partie des tableaux dits « fracturés », l’image est déchiquetée, retournée, dissociée. Le motif explose, volontairement détruit. Pour l’artiste, c’est le prélude d’une réinvention. Baselitz découvre et apprécie à ce moment les travaux de Larry Rivers et Jasper Johns.

Après les tableaux fractures, mes motifs ont commencé en quelque sorte à changer de place, du bord vers le haut, ou du haut en bas. C’est là que j’ai compris que la représentation – à l’endroit – n’était qu’une convention et qu’en tant que telle, ne me concernait pas. J’ai donc décidé d’aborder les choses différemment. Georg Baselitz

GEORG BASELITZ, PORTRAIT ELKE I, 1969 Résine synthétique sur toile, 162 x 130 cm Collection privée © Georg Baselitz, 2018 Photo: Jochen Littkemann, Berlin

A partir de 1969, Baselitz retourne le sujet du tableau, non seulement lors de son exposition, mais aussi lorsqu’il le peint, dès le premier stade de l’exécution. Ce retournement du motif devient alors la marque caractéristique de l’artiste qui se libère du sujet pour se concentrer sur l’acte même de peindre. Le visiteur, au premier regard, voit la peinture, les couleurs, le trait, l’énergie.

Georg Baselitz, « Fingermahlerei-Adler » (peinture aux doigts-aigle),1972, pour la documenta 5.

A la fin des années 70, Georg Baselitz sculpte à la tronçonneuse dans des blocs de bois. Il possède lui-même une collection importante d’art africain débutée en 1976. Son attrait pour l’art tribal et le primitivisme affleurait déjà au début des années 60 avec son intérêt pour les travaux de Hans Prinzhorn sur l’art des malades mentaux.
Il participe à la Documenta 6 de Cassel et proteste, avec Gerhard Richter, contre la présence de l’Allemagne de l’Est, art d’un état totalitaire, en décrochant leurs tableaux.

Il enseigne à l’académie des beaux-arts de Karlsruhe.

Georg Baselitz, « Modell für eine skulptur », 1979-80. Première sculpture de l’artiste. A l’extérieur, « BDM Gruppe », 2012, sculpté dans le bois puis coulé en bronze.évoque les 3 Grâces mythologiques.

Cette première sculpture fut exposée au pavillon allemand de la Biennale de Venise 1980. Un bras levé, rappelant le salut nazi, fit scandale. Provocation, puisque Baselitz rompit en son temps avec son père qui adhéra au parti. Il est en totale rupture avec cet héritage hitlérien maudit.

En 1987, à Amsterdam, Londres, Bonn, Berlin et Paris, il explique sa méthode de travail, par des lectures publiques de l’un de ses huit Manifestes , L’attirail du peintre. Il y décrit son utilisation du hurlement, par lequel il ne dit pas: « rouge », mais le hurle littéralement, son refus de peindre de manière décorative pour choisir de hurler la décoration. Par ce manifeste, il veut révéler et imposer sa propre posture d’artiste.

Eaux-fortes, gravures sur bois et linogravures font aussi partie du panel créatif de Georg Baselitz. Clairement, simplement, violemment, il exprime ses passions sans jamais chercher à séduire.

Le Kunstmuseum bâlois expose une centaine de ses travaux sur papier. Comme pour ses peintures, il y privilégie la forme, la couleur, sans renoncer à la figuration.

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Baselitz a souvent fait référence à l’histoire de l’art en citant dans sa peinture des artistes dont il se sent proche (Otto Dix, Von Rayski, Munch…). Marcel Duchamp en fait partie, en particulier son « Nu descendant un escalier » (1912) dont il réinterprète (ironiquement?) le thème, tout en s’interrogeant sur la vieillesse. Une descente devient une montée lorsque le motif est retourné…Subjectivité de Baselitz versus conceptualisme de Duchamp? Faut-il vraiment choisir?

Georg Baselitz, « Die Zeit läuft davon »(le temps est compté) . 2017 Galerie Thaddaeus Ropac©VB

L’ordre chronologique de l’exposition de la fondation Beyeler emmène le visiteur jusqu’aux dernières oeuvres. Au vu des teintes boueuses et de la « brutalité » des travaux précédents, les couleurs pastels de ces corps spectraux suspendus dans un abysse cosmique sont d’une douceur inattendue. Une production non pas sereine, mais presque apaisée. A lire pour entrevoir l’esprit (caustique!) de l’artiste : entretien avec Georg Baselitz

Comment écrire après les camps? Comment peindre après la Shoah? Comment se libérer de l’Histoire?

Tous trois de nationalité allemande, Anselm Kiefer, Gerhard Richter, Georg Baselitz font partie des grands artistes peintres contemporains. Un film documentaire de Jean-Baptiste Péretié retrace les espoirs et les tourments de cette nation de 1800 à 1939, illustré par les oeuvres de ses grands peintres (Caspar David Friedrich, Friedrich Schinkel, Arnold Böcklin, Emil Nolde, Otto Dix, Hannah Höch, George Grosz ou Gerhard Richter).

 

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11 réflexions sur “Georg Baselitz (1938) § Art et Allemagne

  1. Je l’ai raté à la galerie Ropac. Par contre Anselm Kiefer y expose en ce moment (comme il l’a déjà fait et c’était grandiose), et j’espère y aller très bientôt. Le film m’intéresse aussi.

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      1. Les ailes de Teddy ne le mène pas bien loin 🙂 Oui, Paris, quelle richesse, mais je trouve dommage qu’en France beaucoup trop de choses se fassent à Paris et moins en province. En Picardie, où je passe toutes mes fins de semaines, c’est très pauvre culturellement.

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