« EXTRA LIFE » Gisèle Vienne

Théâtre de Vidy du 12 au 16 juin 2024

Avec Katia Petrowick, Theo Livesey et Adèle Haenel

Une voiture ou une carcasse de voiture, telle notre société cadenassée. A l’intérieur, deux jeunes. Iels sont frère et soeur. Ce soir, soir de fête, iels se sont souvenus ou ont pu en parler. De quoi? Du viol qu’iels ont subi enfant par leur grand-père. Iels en ricanent, le tournent en dérision, plaisantent.

La lumière se fait par touches. Une cigarette qu’on allume, les phares qu’on enclenche.

« Tu crois qu’on se rappellera de ce qu’on comprend là? »

Mais à l’arrière de la voiture, il y a cette silhouette, ce spectre blanc, ce souvenir traumatique.

L’émission radiophonique parle d’enlèvements extra-terrestres, d’agressions sexuelles effectuées par des aliens, de mémoires effacées par eux. 90% des viols sont commis par des proches.

La musique se fait liquide, flux, vagues. Hors de l’habitacle, iels dansent au ralenti, se reconnaissent, reconnaissent leur amour et leur douleur. Elle pleure, mais ne sait pas qu’elle pleure.

Elle sort de son corps. Apparaît son double, son âme peut-être. C’est ce reflet d’elle-même qui se battra. Le brouillard est envahissant, il recouvre le sol. La lumière verdit et bâti des murs, des cloisons mouvantes, des parois qui semblent rigides, verticales. Il faut les percer avant qu’elles ne transpercent.

« C’est comme si je passai sous la surface. »

Des rais de lumières rouges tissent une toile autour d’elleux, les cernant, les emprisonnant.

Il assied la marionnette sur une chaise, l’image spectrale de leur tourment. Il ose la dévoiler, la montrer.

« Je me sentais coupable, complice, d’aimer les dessins animés. »

La musique change d’intensité, elle est quelquefois insupportable, tellement répétitive, tellement intense, comme ce qui se passe dans une tête qui aimerait comprendre.

« J’aime bien les jeux video, parce que je comprends leurs règles. »

Leurs danses sont lentes, le temps s’étire en danses ralenties, il leur faut du temps, 

Toujours dansant, une silhouette scintillante les rejoint, un esprit lumineux se joint à elleux. Et, doucement, s’éclipse.

Espérance? libération? Elle peut être… peut-être.

Photo Estelle_Hanania.

Déplier le moment: Passé, présent, futur anticipé, construction du souvenir, imagination.

Très peu de texte, des petites touches, quelques mots qui révèlent des circonstances. Des lumière sculptées architecturales. Un fond sonore musical qui joue de sa présence intensifiée ou circonspecte, parfois irritante, contraignante. Une chorégraphie en apesanteur. Trois interprètes troublants.

Le travail de Gisèle Vienne, plastique et esthétique, est appuyé par ce collectif impliqué. Il y a des scènes de toute beauté, les corps qui expriment, les lumières qui enferment, des rires qui hurlent leur douleur. Pourtant, la représentation s’étend, prend une telle ampleur qu’elle en parait excessivement étendue. Crowd était une découverte, L’étang une confirmation, Extra Life est un complément.

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