Biennale de Venise 2024 (partie I: lundi)

Punta della Dogana, Palazzo Grassi, Palazzo Franchetti, Giardini (pavillons nationaux et pavillon central), Arsenale, European Cultural Center, Palazzo Fortuny et quelques pavillons disséminés dans la ville: voilà ce qui nous a occupé durant ce séjour d’une petite semaine dans la Sérénissime cité des Doges.

Mon impression générale est plutôt grisée par le commissariat de la Biennale elle-même (Adriano Pedrosa). En effet, le pavillon central des Giardini et une bonne partie de l’Arsenale sont  centrés sur un thème nommé « Nucleo Storico« , montrent des oeuvres d’artistes italiens ayant vécu, habité ou développé leur carrière en d’autres pays ou continents. Le fait est qu’elles démontrent que les cultures transnationales sont riches en découvertes pour les artistes, mais les oeuvres présentées m’ont moyennement intéressées. Des peintures et quelques sculptures datées entre 1920 et 2000, donc XXe siècle, que je ne m’attendais pas à voir en nombre lors de cette 60e biennale d’art contemporain. Intitulée Foreigners Everywhere, le lien effectif est celui de l’inspiration venue d’ailleurs. Y croisant des oeuvres d’Aloïse Corbaz et de Madge Gill, je me demande pourtant ce qu’elles faisaient parmi eux n’ayant aucune racines italiennes… Maria Martins non plus, mais vu sa relation avec Marcel Duchamp, j’ai savouré sa sculpture datant du temps de leur amour fou!

Maria Martins, However (bronze), 1948

Etant arrivés le dimanche soir, nous avons visité la Punta della Dogana et le Palazzo Grassi le lundi, jour de fermeture de la Biennale. Tous deux lieux issus de la Fondation Pinault, y sont exposés des grands noms de l’art contemporain international, cette fois Pierre Huygue (1962) et Julie Mehretu (1970). J’avoue que le premier (Liminal) ne m’a fait ni chaud ni froid, insensibilité quasiment totale. Il a l’habitude d’utiliser des êtres vivants, ceci déjà me déplaît. Alors des aquariums surmontés de rochers habités par des araignées de mer et une copie de la muse endormie de Brancusi comme coquille pour un bernard-l’hermite, on peut trouver cela poétique, pour moi c’est faiblar-t-d. Toute l’exposition est plongée dans une pénombre qui obscurcit la matière en la faisant passer pour du mystère. Quatre ou cinq quidams se baladent à travers l’expo, vêtus de noir et masqués, pour créer un lien entre l’humain et l’inhumain, je suppose. Un lieu aussi vaste et important mériterait mieux.

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En revanche, l’exposition Julie Mehretu. Ensemble , j’adore. la richesse de sa peinture, souvent monumentale est extraordinaire. Composées par strates superposées, elles nous entraîne dans son monde cartographié et d’un dynamisme époustouflant. De plus, elle en profite pour partager les lieux et sa notoriété avec ses amis artistes et fait dialoguer ses oeuvres avec les leurs. Deux films sont projetés au bas de l’escalier: prenez le temps de les visionner. L’un est un très lent zoom arrière sur le tableau Congress (2003) au son du jazz de Sam Sheperd et l’autre un document sur sa pratique (que je regrette d’avoir raté).

Ses tableaux en noir et blanc ressemblent à des cartes de réseaux dont on ne sait quel est le thème, sauf que « le titre en est une couleur ». On y voit son intérêt pour l’architecture qui est pour elle symbole de pouvoir, du dessin technique souvent envahi par des fumées ou des brumes

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En s’approchant on croit voir danser les lignes et les formes. C’est une peinture musicale. Julie Mehretu possède l’art de créer des profondeurs, des reliefs. L’espace multidimensionnel que l’oeuvre produit sur notre rétine est aussi bluffant que les tableaux des Maîtres anciens ayant dompté la perspective.

Hineni (E.3:4), 2018. Encre et acrylique sur toile, 243,8×304,8
Détail de Hineni

Certaines oeuvres monumentales évoquent des plans de ville et incluent les systèmes qui les habitent, où l’espace et le temps s’entremêlent. On y entend presque leur son.

Black City, 2007 (Encre et acrylique sur toile, 304,8×487,7 cm)

D’autres toiles, plus calmes, invitent au repos ou à la méditation. Ci-dessous, j’imagine une silhouette diaphane, un esprit, une fée, une sorcière, qui s’avance bras écartés, jambe en avant, dansante et entourée d’ondes magiques.

Oceanic Beloved (A.C.), 2017-2018, 152,4×182,9 cm

Et la musique encore qui fait virevolter les graphismes sur une trame, comme une portée dont les notes se seraient libérées.

When Angels Speak of Love (Barcelona), 2018 203,2×152,4 cm

Une salle présente la série récente des TRANSpaintings. Les supports sont en maille de polyester légèrement transparents. Les cadres sont en aluminium, métalliques et froids. En se déplaçant entre les oeuvres, les deux côtés sont visibles et changeants par leurs reflets.

Desire was our Breastplate, série TRANSpaintings, 2023

Bon, j’ai pris trop de photos, j’aurais envie de tout partager. Je m’arrête là pour les oeuvres de Julie Mehretu. Quelques mots sur ses camarades d’exposition. les statues hiératiques de Huma Bhabha, les films portraits documentaires de son amie Tacita Dean, les modestes matériaux de sacs plastiques associés aux toiles de David Hammons, la fascination de Paul Pfeiffer pour Justin Bieber et la dévotion quasi religieuse à une pop star, les mots brodés sur organdi de Jessica Rankin, la collection de photographies de Robin Coste Lewis et les drôles de sculptures postures métalliques de Nairy Baghramian.

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