A la Comédie de Genève du 9 au 18 mars 2023
Avec Prescillia Amany Kouamé, Jean-Édouard Bodziak, Elsa Bouchain, Léna Dia ou Justine Lou Dhouailly (en alternance), Angélique Flaugère, Lucie Grunstein, Lucie Guien, Marion Levesque, Angéline Pelandakis, Lenni Prézelin
Joël Pommerat, un « écrivain de spectacles » mythique, oeuvrant depuis une trentaine d’année. Je me réjouissais d’assister pour la première fois à l’un de ses spectacles… et ce fut formidable.

Avec peu de moyens scénographiques (fauteuils et canapé, chaises, table), des modules noirs entourant la scène, c’est l’éclairage qui insuffle l’atmosphère voulue. Telle une oeuvre littéraire, la pièce se découpe en chapitres séparés par de courts espaces nuit. La sonorisation, musicale ou vocale, tient une place importante dans le ressenti du propos.
Le prologue est très fort avec un échange d’insultes puissamment interprété. Deux adolescents s’en prennent à une fille, essayant de savoir si elle est un robot ou une vraie personne. Celle-ci ne se laisse pas faire et laisse planer le doute. Voici donc ce dont va nous parler cette création, mots-clé: adolescence, robotique, genre, construction de soi, transmission.

Un passage par le magasin de robots, où une commerçante explique où en est la recherche et le développement de leurs produits, permet au public de se projeter dans l’anticipation d’un futur peuplé d’aides à l’éducation robotisés. Cette forme d’accompagnateurs possédant des « signaux expressifs de sociabilité » aurait déjà séduit 600000 familles.
A partir de là, se déploie l’ambiguïté de la construction de l’identité adolescente. Lors de cette transition de l’enfance à l’adulte, l’accompagnement est primordial, en particulier émotionnel. Entre leurs propres explorations et choix d’engagements, quelles valeurs propose-t-on à cette population en devenir?

Fractionnée en saynettes, la pièce évoque différentes situations: adolescent.e.s en confrontation avec un robot de famille, avec un adulte masculiniste, avec un groupe d’adolescents, avec l’absence des parents, avec les rôles de genre déterminés par la société, et ceux d’une sexualité personnelle ressentie et non formatée par l’environnement. Toutes ces histoires sont traitées avec un réalisme qui fait écho à notre actualité, tout en jouant avec la fiction. Ce sont des récits formateurs qui, comme les contes traditionnels, offrent des alternatives émotionnelles par le biais de l’imaginaire. Donc nécessaires.

Enfin, il faut rendre hommage à cette troupe impressionnante composée de jeunes comédiennes. S’appropriant les rôles masculins aussi bien que féminins (ou robotiques!), leur puissance de jeu est exceptionnelle. La représentation, ponctuée de dialogues savoureux et incisifs, met en valeur la variété de leurs talents. Notons aussi la présence rare au théâtre de personnages en fauteuil roulant.
Ce spectacle saisissant ravira les adultes, le partager avec des adolescent.e.s serait une idée aussi lumineuse qu’opportune.