Escapade ferroviaire suisse en art (2-Zuoz et Susch)

Toujours d’après le livre de Christine Salvadé « Voyages en art suisse », après Chur (Coire), nos prochaines destinations sont les villages de Susch et Zuoz.  Ce dernier abrite deux galeries d’art contemporain: la galerie Tschudi et la galerie Monica De Cardenas (qui a exposé Alex Katz et Markus Raetz). Deux fois hélas! Elles ne sont ouvertes que durant les saisons d’hiver et d’été, les touristes étant nombreux pour le ski et la randonnée.

Il nous reste cependant le Castell, ancien sanatorium transformé en hôtel de luxe. De nombreuses oeuvres y sont exposées. Mais, arrivés tard, nous nous sommes contenté de la balade jusqu’à la tour de James Turrell, aux abords de l’hôtel, puis nous sommes allés goûter les Capuns, spécialité grisonne aux blettes, dans un joli chalet typique. Il semble qu’en été, des bus proposent un parcours guidé dans les lieux d’art qui foisonnent dans la région.

Autre trajet en chemin de fer rhétique jusqu’à Susch pour visiter son Muzeum, celui de la collectionneuse d’art polonaise Grazyna Kulczik. Un tout petit village, mais quatre tours, dont celle, contemporaine signée Not Vital.

Not Vital (1948) est un sculpteur qui pratique plutôt le monumental. Né à Sent, Engadine, il y crée Parkin Not dal mot, un parcours de ses sculptures dans la nature. Sa Fondation regroupe aussi des oeuvres ancienne en langue romanche.

Sa Tuor per Susch, sculptée dans une seule pièce de marbre, surplombe le magnifique Muzeum Susch, creusé dans la roche. L’oeuvre de l’artiste suisse Heidi Bucher y est exposée en ce moment:  Metamorphoses II.

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Heidi Bucher (1926-1993) travaille sur la contrainte et la libération. C’est à une sorte de dépeçage de l’espace qu’elle s’attaque. Et lorsque l’on assiste à la vidéo qui la montre en train de tirer sur le latex dont elle a enduit une pièce, on assiste à l’effort monstrueux qu’elle doit fournir.

Photo. Hans Peter Siffert

Partant d’une formation dans la couture, alors l’un des rares métiers accessibles aux femmes, elle s’intéresse ensuite à l’architecture. Installée à Los Angeles avec sa famille au début des années 70, elle y baigne dans l’avènement de l’art féministe et la performance. C’est là que naissent ses Bodyshells, sculptures nacrées sans genre, immortalisées par une vidéo.

A son retour en Suisse, elle expérimente sa technique : enduire des surfaces avec du latex nacré pour leur donner une nouvelle peau qu’elle écorche ensuite. Tout cela à mains nues. Choisissant ses « écorchements » avec un soin politique, elle travaille sur les chambres patriarcales (celle de son père, celle d’un hôpital psychiatrique pour femmes « hystériques »). Elle recouvre aussi de latex des vêtements et des corps féminins, travail qui m’avait interpelé à la biennale de Venise 2017.

The Hatching of the Parquet Dragonfly, 1983 (textile, latex and mother-of-pearl pigment). Issu d’une performance filmée d’où les actrices ressortaient nues, « unmasked ».

Pour en savoir plus, voir l’article de Meret Arnold ICI.

A Shell like a Wrap
S h e like H e

Unwrapping like skinning
De-veloping like un-veiling
One shell after the other

Shells are skins
Shedding one skin after the other

De-veloping and en-veloping and unwrapping and skinning

The repressed neglected wasted withered forgotten
dilapidated missed disguised hated contorted buried
immersed displaced bewitched deformed misaligned flattened
blown away desolate frozen closed glued hidden
torn apart obstructed dried out transgressed anchored inverted
knotted concealed damned devastated pensive diluted
darkened widened
and

—Heidi Bucher, 1983

Quelques installations d’autres artistes sont aussi présentées dans le musée:

Adrian Villar Rojas (1980) présente une pièce totémique de son Theater of Disappearance XXXI (j’étais sûre qu’elle était de Julian Charrière!). Les objets qu’il met en scène pour ses installations ressemblent à des fossiles artificiels de l’anthropocène.

From the series The Theater of Disappearance XXXI, (2018)

Les très belles vanités, crânes imprimés sur fond de tissus, de Zofia Kulik (1947) sont pour elle des métaphores de la guerre en Yougoslavie: les femmes portant foulards en pleurs devant  les charniers découverts en Serbie évoquent des images que nous avons toustes vues à la télévision.

Ethnic Wars. Large Vanitas Still Life /1995-2007)

En tout, quinze installations dispersées dans et hors de l’espace d’exposition, dont plusieurs artistes polonais-e.s.

Helen Chadwick, Piss Flowers, 1991-92. (le résultat esthétique inversé et moulé de pipis dans la neige!)
Dans un jardin pas loin du musée, surprise ! Valie Export, doubles ciseaux, 2010.

Et c’est reparti pour un tour en train, direction Aarau et son Aargauer Kunsthaus et le troisième épisode de notre escapade.

Vue du train et de la gare depuis la tour de Not Vital

Image en-tête: petite partie de Stairs (2016-17), l’escalier déconstruit de Monika Sosnowska (1972) qui se déploie sur toute la hauteur des étages du musée.

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