Au Théâtre de Vidy, Lausanne du 28.09 au 30.09.2021 (du projet «Showing without going»)
Ce n’est pas de l’improvisation, mais de la performance non répétée et on nomme cela de l’Autotheatro. Dix productions de ce type sont en tournée dans le monde et leur initiateur se nomme Ant Hampton.
Un plateau presque nu, quelques étiquettes au sol, une table, deux paravents noirs sur les côtés, un écran en fond de scène… Ah mais non, deux écrans, en voici un second que l’on découvre en se retournant depuis son fauteuil! Etrange…
Il n’y a eu aucune répétition. Un système automatique sur ordinateur sera enclenché. Chaque représentation est performée par trois personnes, nouvelles à chaque fois: deux adultes et un enfant, des volontaires, non pas des comédiens. Les deux adultes imitent les postures et les gestes d’images projetées sur l’écran qui est derrière les spectateurs ou cachées par les paravents sur scène. Ils ne parlent pas. L’enfant parait les diriger. Des écouteurs, dissimulés sous son sweat à capuche, lui indiquent les actions et les phrases à produire.
La pièce peut ainsi être jouée à tout moment, n’importe où dans le monde, pour peu que l’on dispose du matériel électronique. Le texte est inspiré de l’esprit du roman «Pluie d’été» de Marguerite Duras et de celui des «Ailes du désir» de Wim Wenders.
Ce que le public entend : les voix enfantines et chuchotantes des Brothers et Sisters, de la musique, l’enfant sur scène, l’histoire d’enfants abandonnés ayant créé une machine sensée réanimer les adultes léthargiques et accaparés par leurs écrans. «Rien n’absorbe plus les grands que l’écran» murmurent les voix.
«Les enfants, c’étaient des gens comme ça, qui comprenaient qu’on les
abandonne. Sans comprendre, les enfants, ils comprenaient. Sans
comprendre l’abandon, ils le comprenaient. C’était en quelque sorte naturel.
Qu’on ait ce mouvement d’abandonner les enfants à un moment donné,
d’ouvrir les mains et de lâcher, c’était naturel.» Marguerite Duras, Pluie d’été.
Ce que le public voit : le surtitrage défilant sur l’écran face aux spectateurs, deux adultes qui se meuvent, guidés par le système automatique qui projette les images en mouvement de deux enfants numériques, un enfant associé à ceux qui murmurent en voix off. Ce dernier semble être le lien entre la «machine» et les adultes sous son emprise.
Ce qu’il en ressort : au travers d’histoires, de blagues, de rêves, d’anecdotes, ce sont les réactions en direct des trois participant.e.s qui tissent le sujet de la pièce. Sachant que les adultes ne font qu’imiter ce qui leur est soumis en images, ils deviennent les marionnettes des enfants aux voix chuchotantes. Leurs hésitations, leurs choix instantanés, leurs maladresses, leurs initiatives fertilisent la pièce. Le binarisme adulte/enfant est dissous, les lois qui s’appliquent aux adultes typiques, sujets universels autosuffisant, rationnel et compétent, n’existent plus dans cet univers-là. Des enfants, comme Greta, deviennent les héros d’une société dont ils sont le symptôme de l’effondrement.
Le projet «Showing without going» : Quelles sont les options pour présenter et tourner des arts vivants (live performance) dans un monde où nous devons réduire drastiquement notre consommation d’énergie Face au dérèglement climatique et fort·e·s de nombreuses expériences, notamment durant la crise liée au COVID, l’artiste Ant Hampton et un groupe de travail international proposent un atlas de solutions et d’idées pour transformer la contrainte en un nouvel imaginaire de création.