Au Théâtre de Vidy du 20 au 22 janvier 2023
Créé avec cinq interprètes de La Ribot Ensemble et cinq danseu.r.ses professionnel.les du canton de Vaud
Adossées aux trois murs de la scène du Pavillon, des planches bleues, blanches, vertes et oranges ceignent le plateau, telles d’impassibles gardiennes.
Les interprètes sont présents dès l’entrée du public, semblant s’échauffer en regardant les gens s’installer. Iels sont vêtus de façon disparate, mais chacun a sa couleur: rose, jaune, vert, bleu, violet, gris, blanc, ocre, turquoise, beige. Une bande son discrète accompagne les bruits de bouche, soupirs et claquements dont iels accompagnent leurs déplacements: des traversées en marchant, en courant, en tourbillonnant, qui se terminent en glissades. Indiquant du doigt la direction qu’iels vont prendre, le trajet qu’iels choisissent parait imposé par une loi mystérieuse.
Tout le spectacle est filmé en direct par l’un.e ou l’autre des protagonistes avec un téléphone portable. Le public est invité à suivre le film sur son appareil personnel simultanément à l’action sur scène.
Peu à peu, des tissus sont jetés au sol, formant des amas multicolores éparpillés. La musique (d’Alexandre Babel) est un murmure et un tempo, un tic-tac qui rend audible le passage du temps. Un groupe serré, un trio, se forme. Après la course folle, c’est au ralenti qu’iels se meuvent, se déplaçant en tourbillonnant tout autour de l’espace scénique. Le groupe s’habille et se déshabille mutuellement tout en se déplaçant. Ramassant au passage ce qui s’avère être des vêtements, les couleurs se mélangent, les accoutrements se bigarrent. Les mouvements sont lents, sensuels, érotiques, parfois menaçants ou offensifs. Par une main, un pied, un ventre, une bouche, le contact corporel est maintenu à tout moment entre chacun des membres. Des objets hétéroclites entrent aussi dans la danse. Un second groupe de danseuses partage l’espace. Quelquefois le temps s’arrête, les groupes s’immobilisent. On y décèlerait presque des réminiscences de statuaire antique, Laocoon ou Enlèvement des Sabines.

Epice complémentaire, sur la fin la parole se déclenche. Piera Bellato, impressionnante et superbe, interpelle le public. Bariolées de français et d’espagnol, ses phrases sont jetées avec insolence et fierté. Injonctions ou aphorismes, drôles ou engagées, celles-ci proviennent des mémoires de grandes danseuses et de Paul B. Preciado.
Cette nouvelle Pièce Distinguée, la 58e de La Ribot, peut déconcerter, elle est néanmoins exaltante. On aurait presque envie de se joindre au dynamisme de ses participants. Les propos chorégraphiés de la pièce sont riches et pertinents: échanges et partages, abandon de normes étriquées, mixité des genres. Pour ma part, un écran en fond de salle plutôt que celui de mon téléphone m’aurait convenu. Fascinée par le mouvement global instauré par les par les danseu.r.ses, je n’ai finalement que peu utilisé mon Iphone.
