
Carolee Schneemann (1939-2019), une pionnière. Durant 60 ans, elle expérimente sans relâche à l’aide de la peinture, d’objets trouvés, de textes, de son propre corps, crée des performances, des films et des installations. Elle creuse inlassablement les raisons de l’oppression féminine et son objectivation. Ses thèmes passent par la relation aux autres animaux, la guerre, la maladie, la mort. Elle extirpe les tabous qui entourent le monde. Son exposition monographique au Barbican Center s’intitule BODY POLITICS.

En mai 1964, Carolee arrive à Paris, invitée par le festival Libre Expression organisé par Jean-Jacques Lebel. Elle y crée la performance Meat Joy, une célébration sensuelle de la chair (avec poulet et poisson cru…).

Interrompue par la police à Londres quelques jours après, la pièce sera jouée une troisième fois à NYC, puis pour la dernière fois à la White Chapel Gallery en 2002.
A son retour d’Europe, elle acquiert avec son compagnon Tenney, une maison dans l’état de New York où elle demeurera jusqu’à sa mort. Elle y tourne Fuses sur trois années, méditation et autoportrait filmé de sa relation érotique avec son partenaire. Ce film (datant de 1964-67, irrécupérable) les montrait faisant l’amour, mais il représentait surtout une femme hétéro en activité sexuelle non-reproductive, tout comme elle filma son amie Jane Brakhage en train d’accoucher (Baby moving, 1959).
En 1964, elle visite la Biennale de Venise où elle expérimente la sensation de fusionner entre ciel et terre. Elle conçoit alors des performances incluant la suspension des corps.

Pour Schneeman, travailler avec et depuis le corps est un geste de libération grâce auquel elle rejette tous les tabous liés au corps féminin. Durant les années 70, elle abandonne les collectifs et recentre son travail sur elle-même. Elle clame:
I do not « show » my naked body! I AM BEING MY BODY!
Les prises de positions des 70’s développent les consciences. Schneemann prend position contre les normes patriarcales, assumant son choix de ne pas procréer, sa priorité étant son art. Elle étudie les exclusions dont sont victimes les femmes dans tous les domaines, en particulier celui de l’art, ce qu’elle nomme « vulvic space« . Elle ouvre son discours à tous les corps marginaux et redéfinit son langage en utilisant des pronoms inclusifs ou neutres.
Sa performance Interior Scroll (1975) illustre la conviction de Carolee Schneemann que la connaissance provient du corps. Elle se tient nue debout et prend des poses, tel un modèle de peintre. Puis elle lit le texte « Woman in the Year 2000 » qui imagine un temps sans discrimination des femmes artistes, puis déroule et récite un poème écrit sur une bande de papier qu’elle sort peu à peu de son vagin, le proclamant ainsi source de puissance et de connaissance.
Très tôt, elle imagine Cézanne au féminin et en fait sa mascotte. « Cézanne, she was a great painter » est un recueil de lettres, d’essais, de notes sur son enfance, de poèmes, d’écrits érotiques et de mode d’emploi de performances.
Elle répertorie avec soin son sang menstruel dans une grille, structure masculine rationnelle, habitée par la substance (le sang), historiquement vue comme sale, extraite de son corps de femme.

Il y a encore bien d’autres choses à dire sur cette artiste audacieuse et courageuse, et sur son parcours artistique saisissant. Elle a été vertement critiquée par un certain nombre de féministes qui la trouvait narcissique et lui reprochait d’utiliser son corps nu. Elle s’est pourtant élevée non seulement contre le patriarcat, mais aussi contre les guerres ou les souffrances qui sont infligées aux animaux, dénonçant toutes formes de domination. Mêlant des images intimes avec celles du monde, elle démontre un engagement social indéniable. Les oeuvres exposées au Barbican sont plutôt centrées sur la libération du corps et de la sexualité féminine.

La chronologie et l’oeuvre de Carolee Schneemann sur son site.


Etonnant autant que perturbant !
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