« Mais en fait, c’est quoi l’art contemporain? »
Pour Malika et Amalia…
Question pertinente de ma filleule journaliste qui me questionnait sur mes passions. Ben oui, tout compte fait, chaque époque n’a-t-elle pas produit son propre art contemporain? l’art correspondant à son temps présent?
Voici donc une description rapide, cavalière, mais j’espère assez formative pour aiguiser une plus large curiosité.
Il y a eu l’art antique, l’art Gothique, la Renaissance (vers 1400). Puis, depuis le maniérisme au XVIe siècle, l’histoire de l’art se subdivise en «mouvements artistiques». Ceux-ci définissent une pratique, une manière de peindre. Ce sont des ensembles d’artistes et d’oeuvres possédant une esthétique commune et dont les éléments théoriques sont souvent décrits dans un manifeste. Si tu veux en faire partie, tu dois t’y conformer (un peu comme un parti politique…). Plus flous sont les courants artistiques qui désignent les tendances relevées après coup, moins strictement définis.
Quelques mouvements ou courants : l’orientalisme, le pointillisme (ou divisionnisme), l’art brut, le minimalisme, le classicisme, le réalisme, le symbolisme, l’art nouveau, etc (voir ICI)
Ces mouvements en « isme » permettent de regrouper schématiquement les différents langages visuels à travers leurs époques et de distinguer, d’une manière générale, les grandes étapes qui ont marqué l’histoire de la peinture. A l’image de la transformation des mentalités au cours des décennies, ils retracent certaines formes tangibles d’interrogations humaines et laissent des traces sur l’évolution de la société .
Et puis, dès le milieu du XIXe siècle environ, apparait l’impressionnisme. Une véritable rupture avec ce qui se faisait auparavant en art pictural classique. Il faut un scandale pour changer les choses…et un avant-gardiste! Ce sera Edouard Manet (pourtant ni impressionniste, ni réaliste) qui expose un fort choquant (selon les critères de l’époque) « Déjeuner sur l’herbe » au Salon des Refusés de 1863. Ce salon se forme en marge du salon officiel (académique) dont un jury validait le goût officiel. Fin XIXe, sous de violentes critiques de la presse et du public, le terme « impressionnisme » est créé, puis petit à petit toléré, accepté et diffusé par les marchands d’art et les musées.
C’est l’avènement de ce que l’on nomme l’Art Moderne et qui va durer 100 ans environ, et qui est composé de plusieurs mouvements artistiques.
Abstraction, cubisme, futurisme, expressionnisme, surréalisme, Op’art, pop art, etc.

L’avant-gardiste suivant ne sera reconnu que bien après son activité artistique. C’est pourtant lui, en grande partie, le géniteur, l’instigateur des sources de l’art contemporain : Marcel Duchamp (1887-1968 bio). Son « Nu descendant l’escalier » fut refusé en 1912 à Paris, puis scandalisa New York l’année suivante, lui offrant une notoriété outre-atlantique.
En effet, il a osé les transgression les plus audacieuses, bouleversé les pratiques et interrogé les démarches artistiques en les renouvelant radicalement. Et ceci dès le tout début du XXe siècle. Dada bien avant l’heure (oui! le dadaïsme est un mouvement), nulle influence n’aura prise sur sa liberté de création et son indépendance d’esprit. Il mêle à son art géométrie, chimie, psychologie, physiologie, érotisme ou encore métaphysique.
On lui doit, entre autres, l’invention du Ready-Made (objet manufacturé, tout-fait faisant oeuvre ou utilisé dans l’oeuvre signée). Après ceci, la palettes de médiums utilisés par les artistes explose!
« Un ready-made est une œuvre d’art sans artiste pour la faire ».
Marcel Duchamp, 1963

Et ce n’est que l’une de ses révolutionnaires inventions artistiques. Le riche blog Centenaire Duchamp t’apprendra tout ce qu’il faut savoir sur son oeuvre polysémique et son humour. Même s’il a travaillé avec le hasard, énonçant un « principe d’indifférence », chacune de ses productions hétéroclites est pensée en regard de l’entièreté de l’oeuvre.
« Tout est à base de climat érotique sans se donner beaucoup de peine. Cela remplace ce que d’autres écoles appelaient symbolisme, romantisme. Cela pourrait être, pour ainsi dire, un autre ‹ isme ›. L’érotisme était un thème, et même plutôt un ‹ isme ›, qui était la base de tout ce que je faisais au moment du ‹ Grand Verre ›. Cela m’évitait d’être obligé de rentrer dans des théories déjà existantes, esthétiques ou autres. » Marcel Duchamp, entretien avec Pierre Cabanne, 1967
Le cérébral Marcel Duchamp cesse rapidement de peindre après une dernière oeuvre emblématique intitulée Tu m’ en 1918. Il aura ainsi tout son temps pour peaufiner son Grand Verre (1915-1923), réunir ses notes et ses oeuvres miniaturisées en boîtes, jouer aux échecs, s’occuper des scénographies des expositions de ses amis artistes, illustrer des catalogues, fignoler son oeuvre posthume, un genre de diorama (« Etant donnés: 1°La chute d’eau 2°Le gaz d’éclairage », 1946-1966) et j’en passe. Mais surtout, surtout, il anticipe mine de rien le discours artistique à venir. Pour lui, c’est l’idée qui prime et non la rétine.

J’abrège, il y a tant à dire sur cette géniale personnalité. Ce n’est qu’après-guerre que son travail et sa pensée (de mille façons analysée) commenceront à être considérés. De toutes façons, seule la reconnaissance de la postérité l’intéressait. Sans minimiser l’extraordinaire diversité et richesse d’une grande partie de l’art contemporain, l’anticonformisme duchampien du début du siècle est souvent devenu l’académisme du XXIe siècle.

La notion d’Art Contemporain, dénomination née dans les années 1980, a pris un sens particulier, puisqu’on en a fait un gros paquet depuis l’après-guerre. Cet emballage global comprend de nouveaux mouvements qui y sont associés:
L’art figuratif, l’automatisme, l’expressionnisme abstrait, le minimalisme, le néo-dadaïme, le nouveau réalisme, l’op art, le pop art, le postminimalisme, l’art féministe, l’hyperréalisme, l’installation, le land art, l’art audiovisuel, l’art électronique, le graffiti, l’art conceptuel, l’art postmoderne, l’art urbain, le néo-expressionnisme, le néo-pop, les nouveaux fauves, l’art corporel, le cyberart, le maximalisme, le pseudoréalisme, le réalisme classique, le slow art et d’autres encore.

Donc, depuis 1945-1960, on désigne l’ensemble des créations artistiques comme faisant partie de cette tendance. Il s’avère qu’il rassemble une infinité de pratiques différentes, allant de la peinture, sculpture, performances, installation ou vidéo, etc. L’enseignement académique des beaux-arts est complété ou même remplacé par celui des arts plastiques qui inclus des cours d’esthétique, de sociologie, de technologie, etc. Les médiums (moyens de diffusions)ne sont plus seulement les tubes de peinture ou la terre glaise, mais des matériaux divers, des objets transformés, des logiciels, des situations, etc. sans limite…

Il n’en existe d’ailleurs pas une définition précise, mais plusieurs: On dit que l’art contemporain est celui qui véhicule des idées et des concepts, qu’il est celui où l’artiste transgresse les frontières établies, que ce terme n’est pas uniquement chronologique, qu’il est dû à l’avènement de la société de consommation, qu’il est issu du développement de la photographie (obligeant les artistes à questionner le réel plutôt que le copier), qu’il est la rupture d’avec l’art classique et moderne, etc.

Pour ma part, ce qui m’attire particulièrement dans l’art contemporain, c’est la multiplicité de ses possibles interprétations. Une oeuvre contemporaine contient plusieurs couches et se lit au gré des regardeu.se.r.s. Comme l’a dit Marcel Duchamp : » C’est le regardeur qui fait le tableau ». Ceci dit, l’artiste a assurément un objectif… que l’on décèle ou pas.

Le théâtre et les arts vivants ont pareillement subi les changements. Mais en bref, il existe un théâtre classique, un théâtre de divertissement, dit de boulevard, et un théâtre contemporain devenu hybride, mêlant les genres et les approches, associant la puissance de la musique, la présence corporelle et la participation des arts. Le théâtre contemporain utilise les moyens techniques de son temps, met l’accent sur la scénographie (la conception de l’espace scénique), se veut moins racoleur et plus à l’écoute du monde actuel. L’oeuvre théâtrale peut être d’un auteur.rice, mais aussi collective, basée sur une écriture de plateau. La dramaturgie (composition du récit d’une pièce), qu’elle soit comédie ou tragédie, peut être engagée et s’appuyer sur des faits politiques ou sociaux. Cependant le théâtre contemporain, s’il permet souvent une démarche de réflexion personnelle, expérimente tous les genres, comique compris.
Quelques metteu.r.se.s en scène à retrouver sur ce blog (catégorie Baladins):
J’omets plein de choses, mais j’espère avoir ouvert une porte ou un interstice d’intérêt et surtout ôté quelques préjugés sur ce terme « contemporain » que d’aucuns moquent sans avoir pris la peine de s’informer…ou de s’y frotter!
Sources : Dada et dadaïsme– Centenaire Duchamp – Guide artistique – Artsper – Le théâtre contemporain –

Mais quel article génial ! Merci pour ce partage 🙂
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C’est gentil, Elisa !
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