Mon festival d’Avignon 2023 (IN)

Un bref aperçu de ce millésime avignonnais (No 77) où je n’ai pris aucune note. Je vais donc me référer à ma chétive mémoire…

Six spectacles IN durant ces six jours intramuros.

WELFARE de Julie Deliquet: j’avais très envie de débuter ce festival dans la cour d’honneur du Palais des Papes. Ce spectacle documentaire, adaptation du film de Frederick Wiseman, est une création. En s’installant, on assiste au démontage de tentes d’appoint pour un centre sanitaire d’urgence. La pièce exprime les difficultés de personnes sans-abris et précaires dans une Amérique de 1972 qui n’a pas tellement évolué à ce sujet en cinquante ans. La cour, grimée en salle de gym, représente un hypothétique centre d’aide sociale. Les comédien.ne.s, travailleur.euses sociaux ou demandeur.euses, dialoguent à distance et l’immense scène manque d’intimité. Les cas sociaux se suivent, de détresse en imprécations, rien ne se règle totalement malgré de bonnes volontés restreintes par une administration labyrinthique. Nous assistons à une série de drames du quotidien, comme un recueil de nouvelles. Pas vraiment convaincue, mais certaine que cela mérite d’être vu dans une salle de spectacle: la cour d’honneur m’a parue trop imposante pour cette pièce. Cependant,  la direction du festival a jugé, avec raison, que l’exposer au plus grand nombre de spectateur.ices du IN serait judicieux au vu de sa dimension sociale.

TRANSFORMER interprété par Silly Boy Blue: les onze titres de l’album de Lou Reed revisités au plus près par cette chanteuse de pop romantique et un pianiste virtuose Vincent Taurelle.

ECRIRE SA VIE de Pauline Bayle: inspirée des textes de Virginia Woolf, la pièce raconte l’amitié entre six personnes qui en attendent une septième qui n’arrivera jamais. Entrecoupée de rituels dansés et chantés, la pièce est empreinte de poésie, d’une esthétique joueuse, picturale, et de phrases et de mots jonglant avec la sensibilité des personnages. Une pièce mélancolique et tendre, enrobée d’une bande sonore suggestive, plus expressive que ne l’est le texte…

EN ATENDANT de Anne Teresa de Keersmaeker: La pièce fut créée en 2010 dans ce même lieu, le cloître des Célestins. Respiration et marche. Résonance du lieu, des sons, des corps et de l’intériorité des artistes. La musique jouée et chantée en direct date du XIVe siècle. La pièce se termine dans la pénombre de la nuit tombée. Entre le sol de terre, les murs de pierre et les deux platanes monumentaux, les mouvements accomplis s’apparentent à l’avancée des vies humaines. Par couple, par groupes, individuellement. La marche en est le fil rouge, la traversée le prétexte. D’une austère beauté, la pièce est un concentré d’harmonie et d’expression.

LE SONGE de Gwenaël Morin: une pièce (le songe d’une nuit d’été) que j’aime énormément pour son humour, sa féérie et ses personnages. Dommage, la rencontre n’aura pas eu lieu ce soir-là. Quatre interprètes se partagent les rôles principaux, la pièce de Shakespeare étant constituée de trois histoires entremêlées. Sans accessoire, sans costumes ou presque, le metteur en scène semble nous enjoindre au do-it-yourself, laissant le public imaginer, enjoliver, projeter. Bottom envoûté, avec sa tête d’âne, est le seul personnage portant un vrai costume, moitié homme/réalité, moitié bête/magie. Il m’a manqué l’enchantement. Hermia a-t-elle pu terminer les représentations sans extinction de voix?

BLACK LIGHTS de Mathilde Monnier: neuf textes tirés de H24, la série thématique sur les différentes violences faites aux femmes (à voir sur ARTE TV), huit danseuses, des souches carbonisées et fumantes et les arches du cloître des Carmes. Quelle merveille que ce spectacle dansé, quelle secousse que la puissance de ces textes, quel soulèvement que le dynamisme empreint de fragilité de ces corps féminins! Jambes ouvertes, jambes cassées, contorsions, tremblements, évacuations, lavages, frottages, un air de Ryuchi Sakamoto, scènes coup de poing qui resteront dans les mémoires. Femmes qui tombent mais se relèvent en permanence, balancements rageurs, chocs, saccades. «Il y a quelque chose qui ne va pas. Quelque chose qui ne passe pas», alternance du collectif et de l’individuel, déflagrations, regards, persévérance, puissance, résilience! Toustes debout à la fin du spectacle, à la fin de cette expérience aussi grandiose qu’émouvante!

Aussi dans le IN mais vus auparavant :

CARTE NOIRE NOMMEE DESIR

L’OEIL NU 

PAYSAGES PARTAGES

Autres chroniques sur des spectacles de Anne Teresa de Keersmaeker: ICI et LA

11 réflexions sur “Mon festival d’Avignon 2023 (IN)

  1. 7 mois plus tard : J’ai vu ce pestacle hier soir – et était debout comme toute la salle à la fin de l’évènement, « transporté » par le contenu et la muzzik et l’énergie (pas seulement des dernières 5/10 minutes). Quelle adéquation entre le message inhérent et ce qu’on voit sur scène.

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