Au théâtre de Vidy, Lausanne, les 18 et 19 février 2022
Cette conférence-performance est née d’une proposition de la Haute Ecole des Arts de la Scène, La Manufacture à Lausanne. François Gremaud l’a immédiatement saisie, augurant qu’elle lui permettrait de « déplier sa méthode de travail ». Sous la forme d’un journal écrit d’octobre 2020 à mars 2021, l’auteur s’adresse au public, décrivant les mécanismes qui fondent son travail :
« Au final, Aller sans savoir où ne parle pas tant des spectacles que j’ai faits ou écrits que de ce qui les sous-tend tous (ainsi que celui-ci) : mon plaisir à tenter de susciter l’étonnement, l’honneur que je me fais de mettre de la joie en partage et l’incommensurable privilège qui est le mien de pouvoir travailler avec celles et ceux que l’on appelle les « interprètes ». »
Il est tout seul. Aucun accessoire, pas même une chaise. Il utilise le plateau prévu pour « Giselle… ».
Il a l’intention de faire une conférence sans fin divertissante. Un challenge? pas pour lui qui, déjà, a conçu l’irrésistible « Conférence de choses »!
Quelle merveille d’assister au déroulement d’une pensée. Car c’est à cela que nous invite François Gremaud: devenir les témoins de la naissance de ses idées, contempler l’édification d’un acte créateur (en l’occurence le sien), accéder à sa méthode de travail.
A la pêche aux idées, l’hameçon est la phrase précédente.
Nous voilà invités dans sa tête lorsqu’il travaille: ses digressions, son esprit, la systémique de son humour.
Et, simultanément, plaisir des yeux: sa gestuelle, ses mimes, mimiques et postures.
Le décor, à chacun de le créer sur la foi de ses suggestions: des graines d’idées qui donneront pas mal de petits fruits, une idée moisie en boîte, un coucou intempestif, une place pour les pires idées, un bloc poétique en souvenir, de l’étonnement en réserve, un amour MaximuM, quelques contraintes pour baliser, du plomb, de l’or et des regardeurs, un curieux hasard, de la pâte à pain, et une cuisine bruxelloise…
Empli de ses rencontres inspirantes, il chemine avec une pensée de Snoopy, l’Abécédaire de Deleuze, BB (non pas elle, lui) et son M. Keuner, l’Amor Fati de Nietzsche, la joie de Clément Rosset, la Fontaine de Duchamp, et j’en passe. C’est habile, intelligent et tellement drôle!
Pourtant ne le croyez pas aveuglé par l’optimisme. Il ne l’est pas. Constater le tragique n’empêche pas la nécessité de partager la joie.
Pour François Gremaud, ce baladin de la réalité joyeuse, c’est le premier pas qui amorce la machine et c’est parti! Il mixe les sons comme la temporalité, pratique l’art oral de la récupération, déglingue les étagères du bien et du pas bien, pratique le prosaïque et ose la boulette…
Voici donc un spectacle aussi nourrissant que bienfaisant, à déguster comme une cure de bien-être en méditant sur la force majeure que peut être la joie en tant que résistance à l’obscurité.
