Les éditions Séguier se disent éditeurs de curiosités et c’est en effet un curieux personnage que j’ai découvert grâce à ce livre de Jean Pierre Pastori (Blog de l’auteur). Ce dernier, historien de la danse réputé comptant nombre de publications sur ce sujet, s’est penché sur la vie de Christian Bérard(1902-1949), peintre, dessinateur de mode, décorateur et créateur de costumes de théâtre.
De par mes préférences, j’avais réduit les courants artistiques du début du XXe siècle aux mouvements Dada et Surréaliste et à ses personnages fauchés mais truculents. Cette biographie m’a ouvert d’autres horizons, ceux du Tout-Paris de cette époque, de la société mondaine qui se presse dans les années 1930 aux ballets russes de Serge Diaghilev, puis dans les années 1940 à ceux de Roland Petit. Eux aussi étaient d’invétérés fêtards!
Le portrait de ce « Clochard Magnifique » que Jean Pierre Pastori dessine au travers de multiples témoignages révèle un créateur foisonnant d’idées, extravagant et généreux, mais aussi perclus d’incertitude et d’angoisses, ce qu’il ne laisse entrevoir que dans les visages qu’il peint. Son aspect débraillé et le capharnaüm régnant sur ses lieux de travail produisent un contraste saisissant avec la somptuosité et l’ingéniosité de ses décors, costumes et fresques d’intérieurs.

Bébé, diminutif de Bérard, est le fils unique d’un couple bourgeois. Les études ne le passionnent pas et il fréquente à Paris les académies Ranson et Julian. Financièrement soutenu par son père au début de sa carrière, il voyage en Italie, copie les tableaux du Louvre et côtoie le groupe des néo-humanistes, groupe de peintres qui désire « rendre sa place à la figure humaine » en réaction au cubisme. Peindre les dormeurs et non leurs rêves, à l’instar des surréalistes.
L’objectif primordial de Bébé est de devenir un grand peintre. Il sera exposé dès 1925. Jean Cocteau, dont il a fait le portrait, croit en son talent et le suit durant toute sa carrière, lui offrant la décoration et les costumes de plusieurs de ses créations théâtrales.
Voir travailler Christian Bérard est un spectacle extraordinaire. Chez Paquin, parmi les tulles et les plumes d’autruches, barbouillé de fusain, couvert de sueur et de taches, la barbe en feu, la chemise qui sort, il imprime au luxe le sens le plus grave. Entre ses mains tachées d’encre, les costumes cessent d’être des déguisements habituels pour prendre l’insolente jeunesse de la mode. Jean Cocteau
En 1929, Christian Bérard rencontre celui qui sera son compagnon et amant pendant vingt ans, l’écrivain et librettiste Boris Kochno. Malgré des moyens fluctuants, le couple fréquente la noblesse parisienne et les milieux mondains, entre bals costumés et tableaux vivants, entourés des célébrités de l’époque : Coco Chanel, Christian Dior, Jean Hugo, Julien Green, Lily Pastré, le couple de Noailles, Balanchine, etc.

Des opportunités vont bousculer ses projets de peintre. Il est apprécié et grandement sollicité en tant qu’illustrateur de mode pour les magazines Harper’s Bazaar et Vogue, il invente des modèles et produit des croquis pour les grands couturiers, il crée décors et costumes pour les plus grands metteurs en scène de théâtre, il orne les appartements chics de fresques et autres paravents peints. Tout cela ne lui laisse que peu de temps pour la peinture…
Images de Christian Bérard sur une page pinterest
En outre, son tempérament sujet aux dépressions le soumet aux tentations de l’opium. Malgré son énorme potentiel créatif, il travaille dans l’urgence, se perd dans d’innombrables commandes, délaisse ses engagements et finit plusieurs fois en clinique, épuisé ou en cure de désintoxication.

Applaudi pour ses décors de pièces de théâtre devenues mythiques, reconnu comme étant « un inventeur prodigieux » par Louis Jouvet, dont il enlumine une dizaine de mises en scène, codirecteur artistique, en 1945, de l’exposition itinérante le Théâtre de la mode avec Boris Kochno, Christian Bérard, Bébé, âme tourmentée et généreuse, meurt subitement en 1949… l’année de la création du Festival d’Avignon par Jean Vilar dont le but est de populariser le théâtre.
En février 1949, quelques jours après sa mort, un hommage était rendu à Christian Bérard sur la Chaîne Nationale par les voix de Jean Cocteau, Colette, Louis Jouvet, Yvonne de Bray, Madeleine Renaud et Jean-Louis Barrault: écouter cet hommage
Quelle belle histoire, et que de drames derrière les façades. Merci beaucoup pour cette découverte 😊
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Une découverte! J’étais restée bloquée aux surréalistes…en oubliant que le monde avait existé tout autour.
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Tu as donc été contacté ? Bravo ! Merci pour cette (c) »ouverture » !
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