
Artiste plasticienne franco-suisse, Agnès Thurnauer est née et vit à Paris. Elle a étudié le cinéma et la vidéo à l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs, diplôme 1980.
Ses célèbres badges, ses « Portraits grandeur nature« , découlent d’une création pour la Biennale de Lyon 2005. Pour l’artiste, il est ici question autant du féminin que du féminisme et de l’acceptation des genres féminin/masculin qui sont présents en chacun de nous, notre bisexualité psychique. A la question de l’absence de représentation des femmes artistes dans l’histoire de l’art, elle répond en inversant l’état des choses. Une façon de le rendre visible et de le partager.

Son questionnement permanent de la peinture et de l’histoire de l’art se traduit par des passages par l’abstraction et la figuration, par le collage et les inscriptions. Elle n’exclut ni la photographie, ni la vidéo, ni l’installation, mais se veut peintre avant tout. Les mots et les images, le langage et la couleur, d’égale importance dans ses tableaux, évoquent une vaste culture aussi bien littéraire qu’artistique. « Qu’est-ce qui émane d’un tableau ? Qu’est-ce qu’on projette sur lui ? Qu’est-ce qu’on investit dans la représentation ? Quel part de plaisir y engage-t-on ? Qu’est-ce que la figure projette en retour ? » interroge-t-elle à l’aide des images qu’elle produit.

Agnès Thurnauer réinvente, à la lumière de notre environnement, les images qui font notre quotidien, celles que l’ont ne voit même plus, celles de la publicité ou des médias. Celles aussi de l’histoire de l’art, qui font maintenant partie de notre mémoire collective. Elle mixe passé et contemporain, redonne du sens avec pertinence et humour. L’oeuvre ci-dessus fait partie d’une série de peintures tirée de la publicité Aubade et cite l’iconoclaste Robert Filliou et son principe d’équivalence féminisé.

Comme Duchamp (« C’est le regardeur qui fait le tableau »), Agnès Thurnauer pense que toute peinture est contemporaine du moment que nous la regardons. D’ailleurs, l’homophonie (elle-aile) dont elle joue laisse penser que Duchamp est un proche… L’urinoir de Duchamp s’envole : disparition ou pinacle? Le regard, le nôtre et celui que nous renvoie le tableau, est au centre de l’oeuvre et invite à créer un lien entre les dimensions d’espace et de temps.

Lire ici l’interview de Agnès Thurnauer par Nicolas Exertier qui date du 10 février 2006. Questionnée avec pertinence, l’artiste y explique sa démarche et ses différentes techniques. Un vrai plaisir que de lire la conversation entre ces deux érudits.
« Au fil des siècles, et d’une façon accélérée au cours de la période moderne, la peinture se met à plat, se relève, se retourne. La peinture a une malléabilité extraordinaire par rapport aux autres médiums » AT

La serveuse du tableau de Manet citée dans celui d’Agnès Thurnauer a été peinte autour d’un texte érotique, tout comme son Olympia, peinte autour de mots doux. Manet est pour elle le peintre qui dialogue le plus avec la peinture, qui représente littéralement la peinture dans ses personnages féminins. Si l’on regarde Le Déjeuner sur l’herbe, par exemple, ce tableau qui, à l’époque, avait tant fait scandale, on voit que cette femme nue au milieu d’hommes habillés et qui regarde frontalement le spectateur EST la peinture, c’est-à-dire qu’elle est comme sortie du tableau, d’où sa nudité. (tiré de interview AT)
Son approche de l’histoire de l’art, ses expérimentations techniques et conceptuelles, son discours pertinent et son utilisation picturale du langage me plaisent particulièrement. Son travail m’évoque la spirale permanente de la recherche artistique, équipée de citations et de découvertes, d’expériences et de transgressions. Et aussi, bien sûr, son questionnement du féminin dans l’art, que ce soit de l’artiste, du modèle, de son influence ou de son émergence.

« La part « masculine » de la femme, c’est-à-dire la force, le courage, la puissance intellectuelle, n’entre pas en contradiction avec la féminité… » Extrait d’une lettre de Lou Andreas Salomé à Anna Freud.
Agnès Thurnauer évoque pour son travail, non pas uniquement une démarche féministe, mais le concept de bisexualité psychique (et non comportementale ou biologique), selon les travaux de Mélanie Klein. Freud en avait posé l’hypothèse en faisant la distinction entre identité de genre et identité de sexe. Nos parts psychiques des principes masculins et féminins varient pour chacun, mais existent certainement!
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En psychanalyse, le concept de « bisexualité psychique » se réfère donc à ce que les études sur le genre ont appelé ensuite l’« identité de genre », c’est-à-dire la correspondance entre l’identité intime et sociale d’une personne et son sexe physique : le fait qu’un humain mâle peut se sentir plus ou moins masculin et/ou féminin, par exemple.(tiré de wikipedia: bisexualité)
Sources : awarewomenartists.com- critiquedart.revues.org- creative.arte.tv – ouest.france.fr – unidivers.fr – media.artabsolument.com – serialgalerie.com – larepubliquedelart.com – http://www.agnesthurnauer.net
eh ben, belle dénicheuse, là tu nous en met pleine les yeux. Merci pour ce vent frais. (j’adore la démarche de cette artiste).
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Oui, j’adore ses liens. De plus, c’est une grande théoricienne. Elle s’exprime beaucoup en interview ou en conférence.
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A reblogué ceci sur VITRINART.et a ajouté:
AGNÈS THURNAUER (1962)
20 septembre 2016 · par CultURIEUSE ·
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A reblogué ceci sur spinhof.
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Merci de me faire découvrir une artiste que je ne connaissais pas. Son travail me parait fort intéressant.
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