Au Musée d’Art et d’Histoire de la ville de Genève invite l’artiste suisse Ugo Rondinone (1964) à investir le bâtiment et mettre en scène plus de 500 pièces de la collection du musée en résonance avec les siennes. Intitulée « When the sun goes down and the moon comes up », l’exposition se visite jusqu’au 18 juin 2023.

Nous y sommes entrées côté soleil, un immense cercle de bronze (The sun, 2017) de 5 m. de haut accueillant les visiteur.euses à l’entrée du musée. Mais le voyage peut aussi commencer par la lune, tout aussi grande mais argentée.
Nimbée de la lumière rose dont l’artiste-curateur a filtré les fenêtres (Love invents us, 1999), la première salle met en scène, solidement campés sur leurs pieds, dix soldats du peintre suisse Ferdinand Hodler (1853-1918). Présentés sur des piliers, tels d’intraitables gardiens, ils nous surplombent par leur taille et leur regard. Au dos de chaque support sont accrochés des cadres montrant les dessins préparatoires précédant l’aboutissement de l’oeuvre peint.
Un magnifique drapé de rideau vert éclatant nous indique la prochaine étape: l’appartement de Hodler imaginé par Rondinone avec les pièces de la collection du musée. Le tissu lui-même est revisité par l’artiste.
Dans cette atmosphère émeraude, sont exposés des objets et des meubles tous plus finement travaillés les uns que les autres: miroirs, assiettes, bas-reliefs, lampes, instruments de musique, guéridon, un jeu de tarot, dressoir exotique, paravent, etc. Des tableaux de Hodler représentant des femmes effrayantes font face à de délicates petites aquarelles simplement épinglées au mur. Kimono et escarpins centenaires donnent forme à un.e habitant.e des lieux exempté.e de genre.
Quittant ce refuge baroque, nous débarquons dans une vaste et somptueuse salle allongée, dont le sol est uniquement habité par les chevaux bleus de Rondinone (The Horizons, 2020), et les cimaises par les tableaux de lacs et de cieux de Hodler. Calme et sérénité règnent sur la pièce. Eau et air se rejoignent dans le corps des animaux à demi emplis d’eau des mers du monde, tandis que les tableaux, plus attirants que les grandes vitres jaunies des fenêtres, nous emportent vers le lac tout proche.
Dans une petite salle intime, uniquement éclairée par les grands vitraux historiques du musée, nous découvrons 17 dessins émouvants qu’a produit Hodler lors de l’agonie de Valérie Godé-Darel, sa muse et sa compagne.
L’enfilade des trois salles suivantes est occupée par de monumentales sculptures géométriques (Landscape sculptures, 2023). Rondinone modèle un terreau brut, compact et imposant, le conjuguant à d’humbles dessins sur toile qui semblent éclairer la pièce de leur petite taille (Diary paintings, 2005-2012).
Le tic-tac des mécanismes horlogers investit notre ouïe, dans une salle enluminée de filtres orangés. D’anciennes pendules, présentées sur socles et disséminées dans la salle, attirent le regard par leur admirable esthétique surannée. Plusieurs gravures figurant Adam et Eve nous rappelle l’ingrate beauté du temps qui passe si vite.
Comme par magie, une paroi s’ouvre devant nous, découvrant un joyeux paysage où des planètes multicolores évoquent un temps indéfini et font écho aux fenêtres travesties du musée. Notre traversée de lumière colorée nous amènera à son antipode, une obscurité peuplée de masques de fer belliqueux aboutissant à une immense porte noire sculptée par l’artiste.
Dispersés dans la salle suivante, quelques pantins désarticulés (ou désabusés?) de Rondinone semblent méditer sur la condition humaine, tandis que la troupe du Grand Théâtre de Genève prépare un prochain évènement in situ. Rendues universelles par la lumière violette, sublimées par les vitrines obscurcies, ces figures, faites de cire et des terres du monde, sont poignantes.
Mais déjà, nous atteignons la lune d’argent, introduisant une autre perception de l’oeuvre de l’artiste suisse Félix Vallotton (1865-1925).
Dans sa série xylographique intitulée Intimités, Vallotton décrypte en gravure les aléas de la relation de couple. La face cachée de l’union conjugale en quelques sortes…
Mais nous voici dans l’appartement imaginaire de Vallotton. Le rose éclatant de la tapisserie met en évidence les attributs excentriques du dandy. Publié en 1884, le roman « A rebours » de J-K Huysmans et son personnage Jean des Esseintes a inspiré Ugo Rondinone, le mêlant à Vallotton de manière quasi amoureuse. Ce cocon, comme son vert précédent, a été créé en collaboration avec Frédérique Jardin.
Ayant effectué le tour complet, nous voilà hélas arrivées à la dernière salle palatine. C’est Vallotton qui prend la main avec ses nus féminins si expressifs. Le filtre bleu des fenêtres magnifie le velouté de leur peau. Sur piédestaux, comme les soldats de Hodler du début de la visite, des dessins préparatoires sont placés au recto et illustrent les différentes phases du processus créatif.
J’espère avoir donné aux potentiel.les visiteur.euses de ce blog l’envie d’y aller voir de plus près. Mon enthousiasme pour cette exposition et la très convaincante mise en scène de Ugo Rondinone est absolu. D’autant que, malgré les photographies partagées ici, il y a encore des tonnes de choses à voir et à percevoir!
Un article du blog The Gaze of a Parisienne avec encore d’autres précisions, ICI.
J’avais découvert Ugo Rondinone au Palais de Tokyo, à Paris. Par deux fois (2007 et 2016), dont une carte blanche dont il fit un hommage à John Giono. Chaque fois, intéressant et enrichissant. J’aurais donc beaucoup aimé visiter l’exposition dont tu parles ici. Merci de cet aperçu. (juste à signaler trois cases (noires) qui ne s’ouvrent pas chez moi)
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Merci. Tiens, bizarre…
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