Au Théâtre de Vidy-Lausanne du 27 au 30 novembre
Après l’Algérie, la République Démocratique du Congo est le plus grand pays d’Afrique : quatre-vingts fois la Belgique en superficie! En 1884, la conférence internationale de Berlin décida du partage de la région revendiquée par plusieurs états européens. Aucun délégué africain n’y participa. Le roi Leopold II de Belgique reçut la souveraineté à titre personnel de ce qu’il nomma le Congo belge. Au prétexte de lutte contre l’esclavage, son représentant Henry Morton Stanley avait déjà installé des comptoirs et fait signer des contrats sans explications aux chefs de tribus. Les clauses indiquaient non seulement l’appartenance du sol au roi Leopold II, mais aussi de la force de travail des habitants.
C’est toute l’histoire tragique du Congo qui nous est contée durant ce spectacle. Faustin Linyekula, danseur et chorégraphe, met en scène le texte d’Erik Vuillard, dit avec puissance par l’acteur Daddy Moanda Kamono. La scénographie est simplement constituée de jeux de lumière, de quelques sacs de jute, de draps blancs et d’un banc. C’est la merveilleuse Pasco Losanganya qui entraîne le public dans l’émotion par ses danses et ses chants traditionnels, tandis que Faustin Linyekula vibre intensément de la douleur communautaire tout au long de la pièce.
Les profits partagés entre les européens se passent en marchandages, comme des achats au souk. Symboliquement, le corps de la comédienne est recouvert des noms des pays solliciteurs tracé à la peinture au doigt blanche. Une narration qui provoque sa colère, parce que, oui, il faut en passer par la rage, et aussi la tristesse pour évoquer l’histoire de ce pays que les européens ont voulu inventer et qu’ils ont violenté.
Sur le mur du fond du plateau, une pirogue glisse le long du fleuve convoité. Tandis que le son des hélicoptères provoque la panique, les villages sont brûlés lorsqu’il n’y a pas assez de main d’oeuvre à ramasser. «Durant quatre ans le lieutenant Lemaire a fait son affreux petit devoir». Sous l’égide de l’Association Internationale Africaine, créée en 1876, des atrocités sont commises sur l’ensemble de la population congolaise, dont la terrible affaire des mains coupées. Faustin Linyekula s’écroule et se relève sans cesse, pendant que des portraits d’enfants congolais défilent, puis il trace à plusieurs reprises le mot Belgik sur son corps, comme une meurtrissure.
On ne sort pas indemne de cette leçon d’histoire bouleversante et tragique. Précisément raconté par le beau texte d’Erik Vuillard, traversé d’épisodes sensibles dansés et chantés, ce récit géopolitique est une étape nécessaire sur le chemin d’une meilleure compréhension humanitaire.
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« Au coeur des Ténèbres » (1899), la longue nouvelle de Joseph Conrad est, entre autres thèmes, un réquisitoire contre le colonialisme et un témoignage sur les atrocités commises au Congo sous Léopold II. Il retrace le voyage de Charles Marlow (dont le modèle est H.M. Stanley), engagé par une compagnie commerciale, qui remonte le cours du fleuve Congo à la recherche d’un collecteur d’ivoire, Kurtz, disparu dans la brousse. Ce dernier se fait obéir, entre crainte et adoration, par les tribus alentours et pratique des rites proches du satanisme. Il est par ailleurs mandaté par une société de «philanthropes» œuvrant pour la «suppression des coutumes sauvages».
en effet le livre de Vuillard est fort – je peux bien m’imaginer que l’ajout de danses et de musique renforce ce ‘beau’ texte !
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Tu l’as lu? Mias que n’as-tu pas lu!!!!
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Ah il y en a tellement que je n’ai pas lu….. mais ce Eric Vuillard je le suis depuis un moment….
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