Plus de dix ans qu’il se joue, qu’ils se jouent…Seuls.
Une recherche d’identité universelle, celle que chacun de nous peut aborder avec plus ou moins de succès, plus ou moins de mémoire. Même si l’auteur dénote une grande différence entre l’exil métaphorique et l’exil vécu.
Sous forme d’autofiction, Wajdi Mouawad nous offre ici un essai, une performance, un conte, une psychanalyse, une enquête, un tableau … Harwan, étudiant en sociologie de l’imaginaire, doute, cherche, s’interroge, manipulé par les voix des autres, pour les besoins de sa thèse sur « Le cadre comme espace identitaire dans les solos de Robert Lepage « .
Ses pérégrinations l’amènent à l’exploration jubilatoire et dramatique de son intériorité, pour retrouver le guide perpétuel, le père, qu’il soit spirituel ou génétique, celui qui donne le cadre, mais aussi celui dont on doit se libérer. Celui auquel on ne peut parler que lorsqu’il semble ne pas entendre…Un parcours semé d’embûches mentales et physiques.

Qui sommes-nous? Ou plutôt qui croyons-nous être? Voilà la question fondamentale que pose Wajdi Mouawad. Quelle est la part de la transmission, de l’héritage dans la construction de notre personnalité? Chacun porte en lui l’enfant qu’il fut, un enfant qui étouffe quelquefois et qui, alors, demande la parole. Ou les actes. C’est là ce que vit l’auteur-comédien sous nos yeux, c’est là ce qu’il nous invite à partager à travers son travail.

Par le biais de l’art viendra la rédemption de Harwan. Ou sa résilience. Un art violent, totalement libérateur, une performance d’artiste, une métaphore de re-naissance.

Ces derniers jours, le landerneau théâtral lausannois a frémi avec une (énième) querelle entre anciens et modernes. Pour certains, il y aurait trop de création contemporaine (comprenez pluridisciplinaire, mêlant théâtre, danse et arts plastiques) au détriment d’un pur théâtre de texte (comprenez les auteurs classiques joués à la lettre).
C’est oublier que l’écriture théâtrale avance avec son temps. Un temps qu’elle questionne et interpelle avec des auteurs d’aujourd’hui, comme d’autrefois. C’est oublier que le théâtre ne se résume pas à un texte, si puissant soit-il. La preuve par « Seuls » de Mouawad, écriture remarquable et spectacle fabuleux, précisément parce qu’il va au-delà de la simple interprétation d’une parole imprimée (…). RTS