« Karitas » de Kristin Baldursdottir / Art Islandais § particularités islandaises

24f410_254f70b635544cba8da3e7de3022cc7d
Steinunn Thorarinsdottir (1955), sculpture

Un tel coup de coeur ne peut être égoïstement accaparé! Ces deux livres, offerts par mon amie Simone du blog La Livrophage , décrivent avec amour, poésie et respect la mentalité, la culture et l’histoire des femmes en Islande. Ils témoignent aussi, étape par étape, du combat d’une femme artiste pour pratiquer son art tout au long du XXe siècle.

Traduction de l’islandais par Henry Kiljan Albansson

978x409Kristin Marja Baldursdottir (1949)  (dottir : fille de) est une écrivaine islandaise. Diplômée en philologie (étude du langage à partir de l’écrit), mère de trois enfants, elle a publié cinq romans dont les deux parties de l’histoire de Karitas. La première, « L’esquisse d’un rêve », retrace, à la troisième personne, son parcours du début du XXe siècle jusqu’à la seconde guerre mondiale…

sveinsdottir_juliana-bláufjöll~OM430300~10127_20120918_100000545_752
Juliana Sveinsdottir (1889-1966), « Blaufjöll », 1946

La vie au début du XXe siècle en Islande est rude. Les hommes pêchent et sont absents durant de longues périodes. Pendant ce temps, les femmes oeuvrent aux multiples tâches qui incombent à la vie quotidienne: enfants, conservation de la nourriture, vêtements à coudre, etc. Survie pure et simple. Tout cela dans le climat souvent impétueux et glacial de cette Islande austère et superbe à la fois. La fabuleuse solidarité féminine qui baigne l’atmosphère de cette histoire est une de ses forces les plus mémorables.

1915. Dessin au crayon. (…) Les femmes sont chaudement habillées, jupes longues, épais gilets de laine, avec un foulard sur la tête qui en retombant dissimule leur visage. Elles sot penchées au-dessus de la barque. Je dois les scruter longtemps avant de reconnaître ma mère et mes soeurs. Elles se tiennent toutes les trois ensemble, côte à côte.  Elles ont froid. Leurs mains sont rouge et bleu. Leurs jupes sont trempées. Elles s’échinent à brosser.

Femmes nettoyant du poisson.

9782757824832La seconde partie,  » L’art de la vie », déploie le parcours de Karitas jusqu’en 1999. A la première personne cette fois-ci. Seule avec sa passion pour l’art, malgré les innombrables aléas de sa vie de femme, elle traverse le siècle en cherchant inlassablement. Nous assistons à son questionnement perpétuel, sur son travail, mais aussi sur sa responsabilité vis à vis de ses enfants. Nous imaginons son travail, nous vibrons avec elle, nous sentons ce besoin qu’à l’artiste de retracer sur la toile l’intimité profonde de son inspiration. Même si quelquefois elle vacille et semble s’étioler, l’intense nécessité de peindre est plus forte que tout.

d5639aac41eea8b8
Louisa Matthiasdottir, « Sjálfsmynd », 1982

Karitas, ayant bénéficié d’un enseignement à la Royal Academy d’Art de Copenhague, tient bon et au fil des épreuves, construit une oeuvre. Faisant fi des convenances, elle peint avec obsession malgré l’incompréhension de son entourage et de la société islandaise. Elle engage un véritable combat.

9782757832318

Son travail artistique nous est décrit entre chaque chapitre par de poétiques insertions qui sont les seules datations des deux volets de l’histoire. Des descriptions évocatrices qui nous font vivre l’évolution picturale des tableaux de Karitas :

1999. Huile sur toile. Elle n’avait pas donné de nom au tableau mais si elle l’avait fait il est bien possible de s’imaginer que celui-ci aurait reçu le nom de « Brouillard » ou « Au-delà des brumes ».  C’est comme si un brouillard gris se glissait doucement dans le fjord depuis la mer mais se transformait en brume bleu clair lorsque la terre se rapprochait. La terre elle n’est pas visible, seulement l’océan qui se confond dans la brume, et puis il semble que la lumière soit placée entre la brume et le brouillard. Le spectateur a envie d’atteindre cette clarté. (…)

Quelques artistes femmes islandaises :

Kristin-Jonsd.a-
Kristin Jonsdottir, « Ball at Siglufjörður harbour », 1923, huile sur toile.
The_Essay__Art_in_a_Cold_Climate__Hallgrimur_Helgason_on__Fish_Processing_in_Eyjafjord__by_Kristin_Jonsdottir
Kristin Jonsdottir, ‘Fish Processing in Eyjafjord’
kvindfo_3_sv_037
Kristin Jónsdóttir,  » Við þvottalaugarnar », 1931, Oil on canvas.

Kristin Jonsdottir (1888-1958) a étudié à l’Académie des Beaux arts de Copenhague. Son style naturaliste et romantique à ses débuts sera peu à peu influencé par l’expressionnisme.

2ff5a9f547b78c2c
Louisa Matthiasdottir, « A hestbaki », 1978 (27×35 cm)
Matthiasdottir__72dpi0
Louisa Matthiasdottir, « Self Portrait in Striped Sweater », 1987, huile sur toile.

Louisa Matthiasdottir (1917-2000), née à Reykjavik, a étudié l’art au Danemark et en France. ses premières peintures datent de 1930. Elle est une des principales figures de l’avant-garde artistique islandaise. Elle s’installe à New York en 1942. Ses principaux sujets sont les natures mortes, les paysages islandais et les autoportraits.

nina_tryggvadottir_untitled_d5598440h
Nina Tryggvadottir, sans titre, collage
Nína Tryggvadóttir - listmári
Nína Tryggvadóttir – listmári

Nina Tryggvadottir (1913-1968) est une des rares représentantes de l’expressionnisme abstrait islandais féminin. En 1935, elle entre à la Royal Academy of Art de Copenhague. Elle continue sa formation à Paris, puis  à New York dès 1942 à la Art Student League. Suspectée de communisme durant le maccarthysme, elle voyage en Islande et en Europe et ne retourne aux USA qu’en 1959.

galleryST2
Steinunn Thorarinsdottir
4869016126_e1a25f9b84_b
Steinunn Thorarinsdottir, « Calling », 2000, Reykjavik.

Steinunn Thorarinsdottir (1955) est une sculptrice internationalement reconnue. Elle a étudié en Angleterre et en Italie. Elle vit et travaille à Reykjavik, Islande. site de Steinunn

druckoptimiert
Gabríela Friðriksdóttir, Crepusculum, Drawing. 2009-2010 Pencil and acrylic paint on paper 28 × 21,5 cm.

Gabiela Fridriksdottir site de Gabriela (1971) a représenté l’Islande en 2005 à la Biennale de Venise.

L’Islande du siècle dernier a vite et bien changé. Les paroles de la mère de Karitas se sont réalisées : « (…) dans le Sud, à la capitale, les femmes vont à l’école, et même plus, à l’Ecole Savante, elles publient des journaux, siègent au conseil municipal (…). Elles finiront bien par arriver au Parlement, là-bas à la capitale ».

1316239_3_a116_johanna-sigurdardottir-la-premiere-ministre_6b0d5ea269d18b1291819a4e876a49f9
Johanna Sigurdardottir

En Islande, littéralement terre de glace, le taux de criminalité est très faible. Il y a une religion païenne reconnue par l’état et une femme évêque. La première ministre ( 2009-2013) Jóhanna Sigurðardóttir est la première cheffe de gouvernement au monde à s’être déclarée homosexuelle. Le mariage homosexuel est légalisé par le Parlement en 2011. Après la crise financière de 2008, l’Islande a laissé ses banques faire faillite, ne préservant que les comptes des ménages résidents.

carte-islande

En Islande, le congé parental se découpe de la manière suivante : 3 mois pour la mère, 3 mois pour le père, et 3 mois à se partager. Si le père ne prend pas les 3 mois de son congé paternité, aucun des deux parents ne peut prendre les 3 derniers mois. Le but de cette réforme était de : – donner l’opportunité aux enfants de passer du temps avec leurs deux parents  – mettre autant en danger les hommes que les femmes dans le travail.source : article

8 réflexions sur “« Karitas » de Kristin Baldursdottir / Art Islandais § particularités islandaises

  1. « Les femmes sont chaudement habillées, jupes longues, épais gilets de laine, avec un foulard sur la tête… Elles ont froid. Leurs mains sont rouge et bleu. Leurs jupes sont trempées. »
    Certainement un très beau pays avec de belles avancées pour les femmes, mais pour moi, dès que la température descend en dessous de 18° C, je me gèle ! Et quand je serai morte, pas sûre de vouloir aller au Paradis qui ne doit pas être bien chauffé – Lio.

    Aimé par 1 personne

  2. Tu dis bien mieux que moi le versant « art » de ces livres, et on a ressenti les mêmes choses, je crois, à ces lectures. J’ai partagé ce livre, mais personne ne m’a rendu comme toi l’écho vibrant qu’il a eu en moi. Pour tous les sujets traités, être femme, être femme et artiste, être femme, mère, amante, artiste, dans un monde rude, âpre, austère souvent, mais où surgit de façon inopinée la fantaisie. Tu me donnes envie de le relire…Je t’embrasse

    J’aime

  3. J’ai beaucoup aimé lire ses deux livres qui m’ont permis de mieux entrer dans la culture et la vie islandaise.
    Il me manque une chose : Découvrir l’oeuvre de Karitas.
    Merci

    Aimé par 1 personne

Répondre à lorenztradfin Annuler la réponse.