Ruth Asawa, née en Californie, est une sculptrice américaine et japonaise. Ses parents, ayant quitté le Japon, sont maraîchers durant la grande dépression. Cette période de chômage et de pauvreté est très dure pour beaucoup d’américains, de plus la discrimination envers les natifs du Japon est importante. Ils ont sept enfants dont Ruth est la quatrième. Elle est vite remarquée pour ses talents artistiques et suit des cours de japonais et de calligraphie.
En 1941, après l’attaque de Pearl Harbour, les résidents japonais sont obligatoirement internés. Ils sont 120000 immigrés à vivre sur la côte ouest des E-U. Le père de Ruth est arrêté par le FBI et séparé de sa famille durant six ans. Le reste de la famille est logé dans les écuries de Santa Anita, puis en Arkansas ( relocation centers ). Un camp d’internement, surmonté de huit miradors de surveillance, entouré de barbelés, dans lequel les conditions de vie étaient plus que drastiques…
Ruth profite de l’enseignement d’autres artistes internés. A cette époque, les à priori sur les japonais lui sont défavorables et elle ne peut accéder à son désir d’enseigner malgré ses études.
Entre 1946 et 1949, elle étudie au Collège des Black Mountains avec pour professeurs le chorégraphe Merce Cunningham ou encore le peintre Josef Albers ainsi que sa femme, Anni Albers et son art du tissage, une artiste que l’on découvre enfin. (musée d’art moderne Paris jusqu’en janvier 2022)
En 1947, un voyage au Mexique lui fait découvrir les techniques de crochetage des paniers. Ce qui lui inspire les formes qu’elle utilisera pour ses sculptures en suspension en fil de fer, cuivre, laiton et aluminium.
En 1949, Ruth épouse l’architecte Albert Lanier rencontré au collège. Ils s’installent à San Francisco, où ils pensent avoir un meilleur accueil en tant que couple interracial, et auront six enfants.

Ruth Asawa et Albert Lanier collaborent pendant soixante ans, entre autres sur les projets de fontaines ou de bâtiments scolaires.

Dès 1953, elle enchaîne les expositions aux Etats-Unis et on la sollicite pour des créations d’art public. Comme Aurora, une de ses fontaines. Celle-ci est bien sûr inspirée de l’origami.
Entre 1968 et 2002, Ruth Asawa co-fonde, avec des parents d’élèves, l’école The Alvarado Arts Workshop. Elle y exprime sa propre pédagogie, basée sur son expérience personnelle : les enfants se développent en tant que penseurs créatifs en pratiquant art et jardinage. Dès 1973, elle contribue au festival annuel MADDS, qui promeut la musique, l’art plastique, la danse, le théâtre et la science pour la jeunesse. Un an plus tard elle est membre de la commission instaurée par le président Jimmy Carter sur le « rôle des arts ». En 1982, elle fonde une école publique d’art (SOTA) à proximité des grands centres culturels de San Francisco qui est renommée Ruth Asawa SF School of the Arts en 2010.
« I hold no hostilities for what happened; I blame no one. Sometimes good comes through adversity. I would not be who I am today had it not been for the Internment, and I like who I am. » a-t-elle dit soixante ans plus tard au sujet de l’internement et de la discrimination qu’a subi sa famille. Elle oeuvra d’ailleurs au mémorial de l’internement des japonais américains à San José..

Les conditions d’internement de Ruth Asawa et des japonais américains en 1942 furent spécialement difficiles. Et actuellement, comment sont reçus les migrants, accueil ou enfermement?
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Les camps d’internement (ne pas confondre avec les camps d’extermination!) sont des camps où l’on retient les étrangers en quête d’une protection ou d’une vie meilleure dans des lieux d’enfermement. Ils sont aussi appelés camps de réfugiés, centres de rétention ou camps de transit.
« on comprendra toujours mieux un fait humain, quel qu’il soit, si on possède déjà l’intelligence d’autre fait de même sorte » (Marc Bloch, 1959 : 74).
La formation de ces camps dénotent de la volonté de maîtriser les entrées des étrangers dans un pays donné. En France, la confusion entre réfugiés, juifs et travailleurs immigrés, date des années trente. La gestion du flux migratoire à l’aide d’hébergements ou d’espaces clos est plus discrète, mais reste tout aussi brutale. La forme des camps actuels reste à priori bien différente du camp avec « barbelé », mais les migrants et demandeurs d’asile n’ont pas d’autre choix que d’y rester.
« De la sorte, l’acceptation des camps ou l’indifférence à leur égard a permis aux responsables d’organiser l’institution à leur guise, en fonction des priorités politiques du moment, dans un relatif flou juridique. C’est précisément là que se situe la difficulté. En l’absence d’une forte pression de l’opinion, les pouvoirs publics ont géré les groupes et non les individus, mis plus en avant les impératifs globaux au service de l’état que la sauvegarde des valeurs humaines. Dans les sociétés organisées, les individus dangereux ou supposés tels se trouvent privés de liberté, mais il se révèle délicat de concilier l’intérêt général et le respect des droits individuels. » (source : http://remi.revues.org/968)

Sujet trés interessant, montrant, s’il en était besoin, comment l’art et la culture permettent de triompher de la misère humaine.
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Triompher, je ne sais pas. Sensibiliser, sûrement! Permettre une certaine résilience, aussi.
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A reblogué ceci sur VITRINART.et a ajouté:
https://culturieuse.wordpress.com/2015/08/09/ruth-asawa-1926-2013-§-camps-dinternement/
RUTH ASAWA
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Magnifique artiste, j’aime ! Mes excuses pour ce com’ laconique, je rentre d’Auvergne et suis encore là-bas un peu ! :)Mais bel article
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Mais ne t’excuse pas! Toi qui réponds à chaque commentaire…Bon retour dans tes pénates!
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Encore une belle découverte. Un mouvement, un élan qui surgit de l’enfermement, comme un envol vers la liberté. Merci pour ce partage 🙂
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Charlie aurait confirmé 😉
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Bravo pour un article, une fois de plus, sensible et instructif.
… Et Lien vers le site de Miki Nitadori, artiste Américaine-Japonaise (dont les ascendants ont été internés si je me souviens bien), qui vit et travaille à Paris, notamment sur l’histoire personnelle: http://www.mikinitadori.com/
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Merci beaucoup pour ce lien!
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Très intéressant ! En effet au Black Mountain College, Ruth Atawa a eu Josef Albers comme professeur, mais plus encore Anni Albers qui y enseignait aussi, avec une grande liberté l’art du tissage. C’est important de la mentionner aussi ! Voir en ce moment l’exposition sur le couple Albers, au Musée d’Art moderne de Paris (jusq’en janvier 2222)
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Oui! J’ai vu ça sur le blog de Lunettes rouges. Merci de me rendre attentive à ce fait important pour la visibilité des femmes artistes.
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https://lunettesrouges1.wordpress.com/2021/09/23/anni-albers-et-son-mari/
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