A mon sens, le résumé de quatrième de couverture ne rend pas totalement la puissance contenue dans ce roman contemporain.
Après son premier roman, « Ultime adresse « , Claudio Ceni examine, avec Violence, un thème dont l’actualité est manifeste. Par touches successives, avec beaucoup de finesse, la violence, ou plutôt les différentes formes qu’elle peut endosser, est présente dans quasiment chaque paragraphe. Douce, furieuse, cachée, auto infligée, sociale, économique, insidieuse ou même météorologique, la violence quotidienne à laquelle nous sommes tous confrontés surgit des situations les plus familières. Par surprise ou prévisible, elle effare, elle consterne, elle saisit ou devient si banale qu’on l’ignore.

Comme dans son premier roman, l’auteur présente une famille, le microcosme par excellence de la société. Les deux enfants pré-adolescents apparaissent atteints de certains dysfonctionnements symptomatiques de notre époque: surinformation, effets secondaires dûs à la surdouance, hyper information, technologie invasive…et sous-alimentation affective. La communication parents-enfants, de tous temps difficile à cet âge, en est spécifiquement altérée, attisant la sournoise violence de l’incompréhension entre générations.
« (…)— Bon Dieu Matt! tu viens de quelle planète? Tu ne pourrais pas faire semblant d’avoir ton âge, de temps en temps?
Matt prend un air résigné:
—J’essaie parfois, mais c’est vraiment trop douloureux…Seulement quand je ne peux pas faire autrement. Avec certains profs, qui prennent comme une insulte personnelle le fait d’avoir un élève plus intelligent qu’eux. Alors c’est bien ça? C’était une belle femme?(…) »
L’histoire a pour cadre un endroit réputé idyllique. L’auteur décrit cependant une atmosphère délétère. Malgré le confort et l’aisance matérielle, Tony, le père, consultant en marketing, dévoile peu à peu un mal-être intensifié par sa rencontre avec Jeanne, psychologue, qui travaille pour une usine en grève au moment du récit. Son chemin de vie en sera bouleversé. Leur histoire d’amour, nous le savons dès le préambule, se terminera dramatiquement.
« Ils sont noyés. Une vague plus forte et plus haute que les autres est passée par-dessus la barrière de rochers et s’est abattue sur leurs têtes. Jeanne a les cheveux collés au visage. Ils s’embrassent. Ca ne devrait pas durer, hurle Tony. On s’en fout, c’est génial! hurle à son tour Jeanne. »
La violence qui règne dans le monde du travail, que ce soit celui des cadres ou celui des ouvriers, est parfaitement auscultée. Un constat d’angoisse et de tension sans appel.
« La cour est occupée par une bonne centaine de gens de toutes couleurs, jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, à proportion à peu près égale. La majorité porte des blouses de travail, surtout blanches, quelques-unes bleues. Une équipe de télé est en train d’interviewer un jeune type à casquette du syndicat. Tony passe à côté d’un feu mourant de palettes et de trois pneus déchiquetés qui laissent voir leurs carcasses de fils métalliques, comme les cages thoraciques ouvertes de cadavres sur un bûcher. L’asphalte est noircie et déformée autour du foyer, formant l’image approximative d’une de ces supernovae que Matteo accroche aux murs de sa chambre. »
Alternant les scènes domestiques familiales, celles plus sociétales, et l’intimité des personnages, Claudio Ceni signe avec ce livre la brillante description d’une société en mal d’authenticité, écartelée entre réalisation de soi-même et culpabilité altruiste. Une analyse subtile, des personnages attachants et tangibles, une écriture élégante et musclée, des faits basés sur une réalité décryptée avec clairvoyance: Violence, roman transposable, est l’éloquente démonstration d’un quotidien occidental insidieusement menaçant. Article du 5.08.2015, journal Agefi.

Toujours au sujet de la violence aujourd’hui, la conférence organisée par le mouvement Colibri:
« UNE HISTOIRE DE VIOLENCE », 12 juin 2015
La violence de la société est aussi le reflet d’une violence qui existe à l’intérieur de chaque individu. Invités :
Pierre Rabhi, agroécologiste et philosophe, Paul Watson, activiste et fondateur de Sea Shepherd, Nancy Huston, essayiste et romancière et Thomas d’Ansembourg, psychothérapeute et écrivain.
4 personnalités, 4 récits, 4 points de vue pour s’interroger sur les différentes formes de violence, leurs origines et les leviers de résilience. Et si chacun de nous avait un rôle à jouer ?
« Une histoire de violence », partie 1, Pierre Rabhi from Mouvement Colibris on Vimeo.
« Une histoire de violence », partie 2, Nancy Huston from Mouvement Colibris on Vimeo.
« Une histoire de violence », partie 4, Thomas d’Ansembourg from Mouvement Colibris on Vimeo.
« Une histoire de violence », partie 5, Réponses aux questions from Mouvement Colibris on Vimeo.
Je pense ne pas devoir me faire violence pour lire ce livre …. Merci aussi pour la belle photo de Jeff Wall bien à propos….
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Alors le but est atteint, super! je me réjouis d’avoir vos avis.
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Pari gagné, tu me donnes très envie de lire ce roman et envie de le faire sortir du « croissant lémanique » ! Je vais aller jeter un oeil du côté des platitudes des critiques, mais je me fie plutôt à ton enthousiasme !
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En fait, je parlais du résumé en 4ème de couverture. Il n’y a pas encore eu de critique publiée.
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Moi aussi je suis contaminée par ton enthousiasme. Je partage et je commande en librairie. Merci pour ce partage 🙂
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Je te souhaite beaucoup de succès avec le tien
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Merci 🙂
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Quelle belle analyse qui donne toute la dimension de ce roman dont j’ai recommencé la lecture sitôt terminé l’épilogue.
Claudio, nous fait du bien avec ses livres méme quand ça fait mal. 😉
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Extraits ajoutés.
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Le thème, les extraits et ce que vous en dites dans cet excellent article, attisent ma curiosité !
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Chouette alors!
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Alors je reviens ici. Te remercier pour m’avoir donné envie de lire ce livre. Je viens de le terminer, l’auteur a su donner le ton juste aux personnages qui composent son roman tout en nous les rendant très proches. Ce fut un très bon moment de lecture, le genre de livre qui nous garde encore un temps avec lui quand on l’a refermé. Je le conseillerai certainement.
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Merci pour ton retour!
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