« Sane Satan » Teresa Vittucci

Arsenic, Lausanne, du 14 au 16 mars 2025, puis Genève.

Interprétation Alina Arshi, Teresa Vittucci.

Dans sa ligne de créations queer et féministes sur la pop culture, l’histoire et la religion, Teresa Vittucci complète sa trilogie In Praise of Vulnerability (Hate Me, Tender qui revisitait la figure de La Vierge Marie et Doom celle d’Ève) avec cette oeuvre qui transporte les artistes chez le maître d’un enfer aussi drôle qu’effrayant.

La salle est plongée dans une semi-obscurité, soulignée par un son grave et vibrant. Une forme bouge lentement produisant les craquements des vagues de plastique noir qui recouvrent le sol, telle une étendue de lave durcie. Des faisceaux rouges de fumée lumineuse scindent peu à peu la scène à mi-hauteur. La créature rampante se déplace insensiblement. Nous atteignons avec elle les limbes infernales.

Cataclysme! Des chevaux aux galop déferlent de l’écran. Comme le passage d’un monde à un autre, lumières, fumée et sons sont pris d’une folie convulsive. Un cri interminable, insupportable, inonde la salle.

Et là, le ton change. Elles sont deux. Blondes, maquillées avec soin, seulement vêtues de crop tops blancs, le petit sac à main collé à l’épaule et chaussées de crocs à plateformes. S’interpellant allégrement: « Bitch! », elles se mettent à papoter. Toutes les postures sexy, mimiques aguicheuses, dialogues futiles, faux rires, cris aigus, toute la superficialité du stéréotype des bimbos des 90’s (qui revient au galop) est passée en revue. Jusqu’au moment où elles remarquent leurs monstrueuses mains…

Pour déconstruire l’image hypersexualisée de ce personnage de dessins animés, les artistes parodient son étiquette sexy en lui ôtant tout mystère. Vulves exposées par des postures de jambes largement écartées, fesses et poitrines déformées par des mouvements exagérés, elles représentent finalement le corps libéré de la femme qui joue avec sa féminité sans tabou. Jusqu’à faire mine de goûter un fac-similé de sexe dégoulinant. « Are you gay?« 

SaneSatan@MayraWallraff

La lune ne montre jamais qu’une seule face. La bimbo, regardée avec condescendance, est seulement l’une des face-ttes des multiples formes que prennent les féminités. Aussi emprisonnées soient-elles par les injonctions sociétales.

La figure de Satan, symbole du mal, a constitué le pilier ancestral des dominants, tel un épouvantail à réguler les comportements encombrants: « Séduisant, monstrueux et prisonnier des structures dominantes, Satan a le potentiel de se faire le complice de tous ceux qui sont dévalorisés, exclus et opprimés en raison de leur altérité« . (présentation)

L’esthétique du spectacle, ambiance sonore et lumière, dénote d’un astucieux travail de recherche. La scénographie est réfléchie pour se modifier à souhait. Postures, attitudes, verbe et mouvements, Teresa Vitucci et Alina Arshi jouent formidablement de leurs corps et de leurs talents de comédiennes en figurant avec humour ces deux créatures sensées être tentatrices et vulgaires.

« Are you gay? » « Nervermind »

Complétez le spectacle avec cette récente publication: Bimbo : Repenser les normes de la féminité (2024) d’Edie Blanchard .

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