Nicolas de Staël (1914-1955) § appels de détresse

stael100mh0Nicolas de Staël est un peintre français d’origine russe. Il est né à Saint-Pétersbourg d’une famille de militaires de carrières. Sa mère, de vingt-deux ans plus jeune que son père, vient d’un milieu fortuné intéressé par l’art. La famille s’exile en Pologne en 1919 mais les parents meurent deux ans plus tard. Nicolas, sept ans, est confié avec ses deux soeurs à une famille de nationalité russe, les Fricero, établie à Bruxelles. Il s’intéresse à la littérature (les tragédies grecques), puis à la peinture. Le couple Fricero exige des études d’ingénieur qu’il termine avant de commencer sa formation de peintre. Il entre aux Beaux-Arts de Bruxelles en 1933.

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Nicolas de Staël, « Casse lumière », 1944

En Europe où il voyage, il découvre les peintres néerlandais, les fauves et les grands peintres du moment tels Matisse, Soutine, Braque ou Cézanne.  Il parcourt l’Espagne à bicyclette où il est séduit par les paysages et indigné par la misère du peuple. Il voyage au Maroc et y rencontre sa première compagne, Jeannine Guillou , une femme de cinq ans son aînée, mariée à un polonais nommé Teslar. C’est une artiste peintre affirmée avec laquelle Nicolas de Staël voyage en Italie et copie les grands peintres.

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Nicolas de Staël, « Portrait de Jeannine », 1941. On peut y trouver les influences du Greco et de Picasso

Après un engagement dans la légion, il est démobilisé en 1940. Il vit alors trois ans à Nice et fréquente certains pionniers de l’abstraction : Delaunay, Arp et Le Corbusier. Il y peint ses « Compositions », sombres tonalités et lignes anguleuses.

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Nicolas de Staël, « Composition », 1942. Photo Sotheby’s. Fusain gommé réhaussé de pastel sur papier

Ce début de décennie marque le préambule de son propre style.  Malgré une extrême pauvreté et la période de guerre, Nicolas de Staël retourne s’installer à Paris avec Jeannine qui a mis au monde leur fille Anne en 1942. C’est Jeannine qui vend ses toiles pour assurer la maigre pitance du ménage. Nicolas de Staël peint beaucoup et détruit tout autant. Il admire beaucoup Georges Braque qui habite le quartier.  Il est accueilli par Jeanne-Bucher dans sa galerie de Montparnasse pour une exposition avec Domela et Kandinsky en 1944.

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Nicolas de Staël, « Astronomie », 1944

Le succès n’est pas au rendez-vous. L’art abstrait étant déconsidéré par  les nazis (art dégénéré…), la critique méprise l’accrochage. Ce qui n’empêche pas Jeanne Bucher de lui organiser une exposition personnelle l’année suivante! Mais la misère et le dénuement ont raison de Jeannine, malade, qui meurt en 1946. Quelques mois plus tard, il épouse Françoise Chapouton, dont il aura deux enfants.

« Ils se marient en mai 1946 sans attendre qu’une couleur sèche pour en poser une autre. Il posa à côté d’une douleur profonde le ton de la joie la plus haute. Et on peut dire que de la contradiction de pareils sentiments, il puisait une énergie. »écrit Anne de Staël .

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Le texte d’Anne de Staël, la fille du peintre, est à la fois poétique et concret, composé de plusieurs voix : de nombreuses citations d’écrits ou de lettres du peintre, inédits, des citations de poètes, peintres, philosophes, qui créent un dialogue, et le texte d’Anne de Staël qui développe le parcours de l’oeuvre, et que de nombreux souvenirs personnels amplifient.

Dès 1949, sa palette s’éclaircit tandis que la matière s’épaissit sur la toile. Le débat entre figuration et abstraction ne l’intéresse pas: c’est l’espace qui compte pour lui. Il travaille des harmonies en mosaïques. Nicolas de Staël refuse d’être considéré comme un peintre abstrait:

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Nicolas de Staël, « Calme », 1949, huile sur toile, 96,5 x 162,5 cm, Collection Carp Janis, New York

« Je n’oppose pas la peinture abstraite à la peinture figurative. Une peinture devrait être à la fois abstraite et figurative. Abstraite en tant que mur, figurative en tant que représentation d’un espace » déclarait-il en 1952.

Dès 1950, la reconnaissance de l’oeuvre de Nicolas de Staël est internationale et il entre au Museum of Modern Art en 1951.

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Nicolas de Staël, « Composition sur Fond Rouge », 1951, oil on canvas, 54 X 81 cm. Courtesy of Mitchell-Innes & Nash

Lui qui est un grand lecteur de poésie rencontre René Char en 1951 et leur réalisation commune du livre « Poésies » est décisive. Il est le dialogue de leurs deux voix indépendantes. Nicolas de Staël témoigne, dans leur correspondance, de son enthousiasme pour ses nouvelles découvertes. Cela lui donne l’occasion d’explorer la technique de la gravure sur bois.

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« Poèmes ». Description sur le catalogue de Christie’s

« […] Je ne le dirai jamais assez ce que cela m’a donné de travailler pour toi. Tu m’as fait retrouver d’emblée la passion que j’avais enfant pour les grands ciels, les feuilles en automne et toute la nostalgie d’un langage direct, sans précédent, que cela entraîne. J’ai ce soir mille livres uniques dans mes deux mains pour toi, je ne les ferai peut-être jamais, mais c’est rudement bon de les avoir. […] » Lettre à René Char.

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Nicolas de Staël, « Les toits », 1952 (200×150 cm).

En 1952, une année charnière, Nicolas de Staël ressent le besoin du contact direct avec la nature et de quitter l’atelier. Il redécouvre la lumière du sud de la France et de la Normandie. Lors d’un match de football, il a une révélation qui va lui redonner le besoin d’une certaine figuration. La lumière du stade le galvanise.

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Nicolas de Staël, « Parc des Princes », 1952, collection privée. Article illustré du blog « Après la Pub »: Le parc d’un prince

A partir de là, ce sont les paysages, les nus ou la nature morte qui soutiennent sa création. Et, petit à petit, la matière s’allège, la peinture devient fluide et légère.

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Nicolas de Staël, « Nu debout », 1953
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Nicolas de Staël, « Nu bleu couché », 1954
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Nicolas de Staël, « Agrigente », 1953
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Nicolas de Staël, « Agrigente », 1954

En automne 1953, Nicolas de Staël sillonne l’Italie et la Sicile. Il en rapporte quelques croquis et ces paysages de mémoire.

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Nicolas de Staël, dessins, 1953-54
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Nicolas de Staël, « Plage de Syracuse », 1954 © Sotheby’s

Cette année 1953, il rencontre une jeune femme, Jeanne Mathieu, dont il tombe éperdument amoureux. Lui rappelle-t-elle Jeannine, son premier amour? Nicolas de Staël s’installe seul  à Antibes l’année suivante. C’est une période d’activité frénétique qui lui permet de peindre 147 toiles. Mais le succès qu’il acquiert avec sa peinture l’effraye. Il est de plus obsédé par Jeanne qui est mariée et a deux enfants. Elle n’est pas prête à recommencer sa vie avec lui. La souffrance du peintre est telle qu’il met fin à ses jours en se jetant de la terrasse de son appartement le 16 mars 1955.

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Nicolas de Staël, « Le concert », 1955

Il peint le tableau inachevé ci-dessus (6m X 3,30 m) durant les trois jours précédant sa fin, du 14 au 16 mars 1955.

Pour approcher un tant soit peu la personnalité complexe, fragile et torturée de cet artiste, lire le livre essai de Stéphane Lambert, une analyse sensible de ce peintre talentueux que le succès, autant que la passion, a brisé.

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Nicolas de Staël, une âme tourmentée et sensible, en perpétuelle remise en question et donc, en perpétuelle évolution, à l’image de sa démarche de peintre. Entre figuration et abstraction comme en suspend entre la matière et l’esprit. Un tragique déchirement.

logo-observatoire1-590x304En France, il existe un Observatoire des souffrances psychiques en lien avec le réseau associatif SOS Amitié . Il dresse un bilan des appels de détresse reçus chaque année. Tout en respectant l’anonymat de ceux qui appellent. S.O.S Amitié reçoit près de 700 000 appels décrochés par an. Ce n’est qu’un quart des appels réels reçus par l’association en mal d’écoutants bénévoles. Cette structure est à l’écoute 24H/24, 7J/7 et 365 jours par an.

Téléphone, messagerie et chat : https://www.sos-amitie.com/carte

layout_set_logoPour la Suisse, c’est l’association La main tendue qui est le service bénévole d’aide au téléphone et par internet : https://www.143.ch/fr/

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