D’après Maxime Gorki (1868-1936)
Adaptation et mise en scène de Mikaël Serre
C’est incarcéré, en 1905, que Gorki a écrit cette pièce. Elle détaille un microcosme de privilégiés englués dans leur confort et leurs contradictions, incapables d’être en prise avec la réalité, incapables aussi d’œuvrer pour une transformation du monde. Pour Mikaël Serre, qui présentera son travail en création à Vidy, cette pièce de Gorki offre de profondes résonances avec notre époque. (cf. théâtre de Vidy-Lausanne)
Impression : Cette pièce me parle de ce que je suis : une enfant du soleil, une privilégiée. Comment ne pas en être conscient dans ce monde ultra médiatisé? Ce qui est merveilleux avec l’art vivant, c’est ce cadeau que nous font le metteur en scène et les comédiens de nous offrir une vision romancée, jusqu’au tragique, de notre quotidien. Et cela en direct, à chaud. Rien à voir avec le cinéma.
L’adaptation de Mikaël Serre est néanmoins exigeante pour le spectateur. Il cite Léonard de Vinci: « la peinture est cosa mentale » et déclare que, dans son travail, l’émotion et la réflexion doivent se trouver sur le même plan. On peut peut-être déguster cette pièce au premier degré, rester dans l’émotion, rire et s’effarer. On doit aussi y voir autre chose, même malgré soi, grâce à l’oeuvre elle-même. La comédie de l’égocentrisme humain sans limite, par exemple…
« Gorki reprochait-il à l’intelligentsia de vivre en vase clos, de tout ignorer des problèmes politiques et sociaux et de la condition populaire? Ou en avait-il contre les gens du peuple, frustres et ignorants, incapables de maîtriser leurs instincts sauvages? » (M.Serre)
J’en suis sortie perplexe. Non pas en raison du travail scénique : les comédiens sont formidables, avec une mention spéciale à la performance de Marijke Pinoy, incarnant une époustouflante bourgeoise énamourée… La mise en scène est créative et d’une contemporanéité remarquable. Déjà pour cela, il vaut la peine d’y assister.
Je crois que le sentiment diffus qui m’habitait en sortant était une sorte de frustration toute personnelle de ne pas avoir réussi à lier le premier et le second degré de l’oeuvre. De n’avoir pas réussi, simultanément, à me laisser aller à l’émotion et à analyser le contenu. L’un prenait le dessus et l’autre se lamentait…
Je me lève aujourd’hui plus riche de cette nouvelle expérience artistique et malgré le temps maussade, je me sens d’autant plus fille du soleil!
« l’intelligentsia est à l’origine un mot et un concept russe, pour désigner cette élite qui pense, qui entraîne le mouvement des idées, et qui d’une certaine manière tient la haute main sur l’opinion publique – ayant autorité, autrefois sur les salons, aujourd’hui sur les médias. Parce qu’elle possède cette arme décisive de l’analyse et maîtrise le langage, sa puissance est redoutable : quoique portée par un nombre infime d’individus, elle donne le la, et même en désaccord avec la population, elle inspire les modes de vie et infléchit les politiques. »
« L’intelligentsia vit dans un monde à part. Ce peut être là l’ornière. Elle se nourrit d’idées, et finit par croire que le monde tourne ainsi. Elle ne connaît que de loin les problèmes rencontrés quotidiennement par ses concitoyens. »
Tiré du blog de Chantal delsol : http://www.chantaldelsol.fr/l%E2%80%99intelligentsia/