Au Kunstmuseum Basel (Neubau) du 20.09.2025 au 8.03.2026. Commissariat Eva Reifert.
Sous-titrée sur les traces du surnaturel, l’exposition va chercher dans la production artistique des traces de l’histoire du pneuma (du grec πνεῦμα : esprit ou souffle). Que l’on croie aux fantômes ou que l’on reste dubitatif, il ne fait aucun doute que de tout temps les mystères de la mort ont alimenté les imaginations. En neuf salles thématiques, y aura-t-il de quoi ébranler nos croyances?

L’image du drap blanc est la symbolique la plus courante du fantôme. Füssli, Blake et d’autres s’étant inspirés de pièces de Shakespeare, les esprits usent de formes moins prosaïques dans leurs descriptions artistiques. Le brouillard, les nuages, l’obscurité, bref la nature, offrent aussi de sublimes moments d’abstraction mystique.
Au XIXe siècle, l’intérêt pour le spiritisme mêlé à la popularisation de la photographie (le daguerréotype date de 1839, 1/2h de pose) ont engendré des productions des plus créatives où celleux qui veulent croire en redemandent à ceux qui font croire. L’immortalité d’une âme prise sur le fait devient alors une preuve « indéniable » et surtout rassurante. Mais déjà, les tricheurs sont traqués.




Madge Gill, bien connue des lausannois.es fréquentant le Musée de l’Art Brut, considérait ses dessins comme un canal de communication avec Myrninerest, son répondant de l’au-delà.


J’avoue avoir passé très vite par cette partie de l’exposition, qui pourtant offre un panel très documenté sur les médiums humains ou matériels. La salle 5 m’a plus intéressée avec cette cabane ébouriffée de Rachel Whiteread, une chaise déglinguée qui tient debout et un poème enregistré de Emily Dickinson:
Emily Dickinson (1830–1886)
Point n’est besoin d’être une Chambre – pour être Hanté –
Point n’est besoin d’être une Maison –
Le Cerveau a des Couloirs – qui surpassent
L’Espace matériel –
Bien moins dangereuse, la rencontre à minuit
D’un Fantôme extérieur
Que la confrontation avec celui qu’on a à
l’intérieur –
Invité plus glaçant –
Bien moins dangereux, de traverser une
Abbaye au galop,
Poursuivi par les Pierres –
Que désarmé, de se rencontrer soi-même –
Dans un Lieu solitaire –
Nous-mêmes derrière nous-mêmes, cachés –
Devrions tressaillir plus fort –
Un Assassin dissimulé dans notre
Appartement
Est infiniment moins Horrifiant –
Le Corps – emprunte un Revolver –
Et verrouille la Porte –
Sans prêter attention à un spectre supérieur –
Ou Pire encore –
Et voilà que Marcel Duchamp est présent sous la forme d’un readymade rectifié littéraire inscrit sur papier de bonbon! (un invité + un hôte = un fantôme). Un objet coutumier (caramels emballés) transformé en objet artistique et distribué lors du vernissage d’un ami.

On y verra aussi deux marionnettes que Paul Klee a réalisées pour son fils, une oeuvre de Magritte qui donne le sourire, un spectre fissuré de Toyen et une peinture de Max Ernst .
La septième salle présente un travail de l’artiste Heidi Bucher qui a relevé l’empreinte cutanée d’une salle d’asile psychiatrique. Ses oeuvres en latex écorchent littéralement une peau d’espace. Claudia Casarino expose de diaphanes robes en tulle, comme des souvenirs dont l’ombre portée semble plus réelle que leur matérialité. Glenn Ligon transpose un texte de Jean Genet sur le racisme, « Je me transforme sous tes yeux en fantôme et je viendrai te hanter« , texte devenant peu à peu saturé à force de faits répétés.
Précédant la dernière salle (vide, mais légèrement venteuse), la décomposition de la maison du film Psychose par Cornelia Parker est particulièrement marquante (pour moi). Est-elle moins maléfique rendue à l’état de puzzle? Les photographies de maisons soi-disant hantées de Corinne May Botz documentent des demeures que leurs habitants partagent avec leur légende.




Cette exposition propose quelques rencontres, mais pour ma part, peu d’esprits frappants. Plus d’intérêt pour qui s’intéresse au surnaturel ou au spiritisme… Je n’en montre ici qu’une petite partie. (ICI la feuille de salles)


















