Terminée le 15 mai, intitulée « The Violence of Handwriting Across a Page » (la violence de l’écriture manuscrite sur la page), l’exposition Louise Bourgeois (1911-2010) présentée au Kunstmuseum de Bâle a été conçue par l’artiste contemporaine Jenny Holzer (1950). Celle-ci est connue pour son exploration infinie du langage dans l’espace public, telle que projections, panneaux LED, plaques de rue, etc. Les deux femmes artistes, au gré de parcours bien différents, ont construit une belle relation qui se formule ici.
C’est donc au travers de l’abondant travail d’écriture de Louise (journaux intimes, notes, lettres) que Jenny la présente. On pourrait dire que le travail de Louise se penche sur l’individu, ses émotions et son âme; quant à Jenny, elle observe le rendu politique et la sphère sociale exportée par le langage. Deux visions qui paraissent s’entrecroiser parmi les mots brodés, gravés, intégrés dans le travail de Louise Bourgeois. Autant de gestes essentiels liés au soin, à la conscience, à sa croissance personnelle.
Plus de 250 oeuvres sillonnent les neuf salles de cette rétrospective. Leurs titres sont à chercher sur la feuille de salle chronologique, mais les oeuvres n’étant pas exposées dans ce sens, il est assez difficile de s’y retrouver. Pas de panneaux, pas de cartel.
Liens vidéo :
https://photos.app.goo.gl/3rVoc24dQ5vP7LfJ8
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Ce sont donc des installations, sculptures, peintures, œuvres textiles, etc., où l’accent est mis sur les arts graphiques. Beaucoup d’oeuvres. Certains murs en sont recouverts. Les mots sont jeté, les idées déferlent, les émotions se répandent et Louise Bourgeois poursuit l’exploration de son moi jusque dans leurs abysses. A la mort de son père en 1951, elle entreprend une psychanalyse et garde tous ses écrits. Et c’est bien un flux langagier gigantesque et puissant qui entraîne l’artiste sans répit. Jenny Holzer qui nous noie dans ces rouges marées et ce déluge verbal l’a bien saisi. C’est profond et saisissant.
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L’exposition que propose la Hayward Gallery de Londres est intitulée « The Woven Child » (l’enfant tissé). Elle s’attache à montrer les oeuvres des dernières années de Louise Bourgeois. A voir à Berlin dès le 22 juillet!
Au cours des dernières années de sa carrière, la célèbre sculptrice et artiste d’installation Louise Bourgeois a revisité les premiers jours de sa pratique artistique pour réaffirmer les thèmes sur lesquels elle avait travaillé toute sa vie. Explorant l’identité, la sexualité, les relations familiales et la réparation, elle a créé une collection d’œuvres psychologiquement chargées réalisées à partir de textiles domestiques.
Entre le milieu des années 1990 et jusqu’au moment de sa mort en 2010, dessins, livres, estampes, têtes cousues, sculptures suspendues, corps entremêlés en vitrine et cellules, autant d’oeuvres typiques de l’artiste revisitées à la lumière de l’âge. Elle y incorpore des vêtements (secondes peaux) lui appartenant, des pièces de tissu personnelles, linge de lit, mouchoirs, tapisseries, y introduisant une vulnérabilité et une intimité sans pareil. L’identité, la réparation, la culpabilité, toutes choses liées à la mémoire.
« J’ai toujours été fasciné par le pouvoir magique de l’aiguille. L’aiguille sert à réparer les dégâts.C’est une revendication de pardon. » Louise Bourgeois
Louise Bourgeois examine sa vie et ses expériences. Louise Bourgeois assemble et coud, sépare les membres, expose la sexualité en vitrine. Louise Bourgeois, pour comprendre sa vie, entrelace et agglomère les faits et les transforme en art. Louise Bourgeois est une sorcière magique et tragique, malicieuse et angoissante.

« En Répit« , l’oeuvre ci-dessus, est une des premières qui montre des bobines, motif devenu peu à peu récurrent. Cet état de repos et de paix, elle l’idéalise et le réalise par son travail artistique. C’est aussi un intervalle de suspension pour la mémoire et le temps où les aiguilles représentent une possibilité de réparation.

Un lien vidéo pour un coup d’oeil sur une série particulièrement délicate de mouchoirs décorés:
https://photos.app.goo.gl/xc15n7E7pRHVQwhg7
Cherche-t-elle à se protéger ou est-elle enfermée, cette femme-araignée? En attente et en vitrine. Elle disparait presque dans le motif tapissé du fauteuil. Cinq fils sortent de sa bouche, la reliant aux bobines au-dessus d’elle. Cinq personnes constituent la famille de Louise.
En 1998, Louise Bourgeois commence une série de têtes en textiles variés. Elle cherche à évoquer des états psychologiques et émotionnels.

Dans une ancienne vitrine, un prototype de couple en train de copuler. La jambe de bois de la femme, écrasée par l’homme, symbolise une sorte déséquilibre. Louise Bourgeois est fascinée par les prothèses auxquelles elle a été confrontée durant son enfance après le première guerre. Elle fait référence à la scène primale imaginée par elle enfant. Un mélange d’activité/passivité, plaisir/douleur, sexualité/mort.

Louise Bourgeois fait ici référence à son plus jeune fils Alain qu’elle appelle l’enfant réticent. Ce diorama représente sa naissance et les débuts de sa vie. Tel le miroir théâtralisant la scène, la mémoire déforme les souvenirs. Cet enfant refusait de naître. Que ressentait-il? Que percevait-il du monde extérieur? Que deviendra-t-il? Ce sont les interrogations d’une mère.

L’araignée, motif récurrent de Louise bourgeois entre 1990 et 2000, protège cette cellule d’acier, sa toile, en la chevauchant. Certains objets personnels, comme une bouteille du parfum Shalimar, sont à l’intérieur et créent une atmosphère nostalgique. Trois oeufs de verre sont enveloppés sous l’abdomen de l’araignée. Celle-ci représente sa propre mère, mais aussi elle-même et sa créativité. Elle évoque aussi ses proies et son aspect prédateur. Malgré son apparence monstrueuse, c’est une réparatrice. Si sa toile est endommagée, elle la restaure.
I came from a family of repairers. The spider is a repairer. If you bash into the web of a spider, she doesn’t get mad. She weaves and repairs it. Louise Bourgeois


Avec des pièces de vêtements et de tissus personnels, Louise Bourgeois crée une série qu’elle nomme « Progressions ». Pour elle, la géométrie comporte un certain nombre de règles sécurisantes qui sont des certitudes. L’exacte opposé du monde émotionnel qu’elle habite.

Durant les cinq dernières années de sa vie, Louise Bourgeois crée des empilements. « A sculpture is the body. My body is my sculpture« . Rétablir une verticalité, une solidité?

L’exposition The Woven Child s’exporte à Berlin du 22 juillet au 23 octobre 2022