Théâtre de Vidy, les 28 et 29 mai 2024
Conception François Chaignaud, Geoffroy Jourdain
Chorégraphie François Chaignaud
Direction musicale Geoffroy Jourdain
Iels arrivent par le haut des gradins, une file de personnages cuirassés de caparaçons matelassés, tel un mélange de guerriers et de SDF. Le rideau se lève alors, dévoilant le tertre immense recouvert d’une végétation paillée. L’un emmène le groupe à sa suite, les doigts levés, donnant le tempo. Iels s’attellent à le suivre, une main tapotant l’épaule du précédent, comme un réconfort régulier. La lente procession s’ébranle, entoure la masse terreuse. Simultanément les voix s’élèvent, entamant a capella un chant ancestral et grave.

C’est un spectacle profondément spirituel qui se déroule sur scène. Autour, sur, dans ce Tumulus, les êtres dansent et chantent, courent, se rejoignent, se conforment ou se démarquent, seul.e.s ou en petits groupes, ou collectivement rassemblés. Les hommages d’une tribu se livrant à des rites funéraires. L’unisson poétique d’une humanité surannée. Il en ressort des tableaux sublimes évoquant les grands Maîtres de la peinture du XVIe siècle.

Treize comédien.ne.s, chanteu.r.se.s, danseu.r.se.s interprètent cette Humanité en mouvement vers le sacré. Non pas une religiosité exaltée, mais un cérémonial grave et grisant, à la fois poignant et lénifiant, parsemé de joies et de partages. Par moment prêtant leurs regards à la salle, iels partagent leur rituel avec le public. Parfois tout s’arrête quelques secondes et iels sont aux aguets, empreints d’une animalité originelle. Leur souffle est un chant, un tempo récurrent, célébrant la vie, agissant au-delà de la disparition.
La lumière transfigure le Tumulus, tour à tour reverdi ou glacial, focalisée sur un groupe, une personne. Elle crée l’ambiance, assombrissant ou illuminant une partie de la scène, colorant ou ombrant les postures.

Les costumes sont prodigieux, composés de doudounes matelassées ou de sacs de couchages, portés en tunique, en cape ou en robe. A d’autres moments, ce sont des tissus de couleur portés en toges ou en saris. Le spectacle emporte en des temps immémoriaux, des lieux universels, sans afficher de claires références. Presque nu.e.s à la fin, iels arborent pour seuls apparats des jambières bigarrées, abolissant les genres. Des couvre-chefs phénoménaux font leur apparition et finiront par chapeauter le tertre, stèles témoignant de passages fugaces.

Voici donc un spectacle qui emporte en d’autres lieux, où les corps et les voix s’entremêlent pour inventer une nouvelle, et à la fois archaïque, perception du sacré. Ces chants polyphoniques en sont l’esprit, relayé par les corps dansants. D’une beauté sauvage autant qu’ harmonieuse, j’ose dire, moi qui rejette toute religiosité, que ce spectacle ressemble à une prière pour la nature, terrestre ou humaine, et la solidarité que nous lui devons.

t u m u l u s est l’accord de la danse avec le chant, célébré par la rencontre d’un des chœurs les plus inventifs du moment, Les Cris de Paris, avec le danseur et chorégraphe François Chaignaud. Réuni·e·s par le souffle et le mouvement au sommet d’un tertre, symbole de la vie qui croît sur ce qui fut, treize danseur·se·s-chanteur·se·s dansent l’impermanence, le soin et l’attention en interprétant magistralement des chants polyphoniques a cappella datant de la Renaissance aux années 1970, incarnation de la mutation continue d’un paysage devenu corps, relation, horizon et musique. (texte de présentation)
Interprétation : Simon Bailly, Mario Barrantes Espinoza, Florence Gengoul, Myriam Jarmache, Evann Loget-Raymond, Marie Picaut, Alan Picol, Antoine Roux-Briffaud, Vivien Simon, Maryfé Singy, Ryan Veillet, Aure Wachter, Daniel Wendler
