Au théâtre de Vidy, Lausanne, du 3 au 11 juin 2023.
Avec Rosemary Standley et les musiciennes.
Plus qu’un plaisir, c’est une joie d’assister à la première représentation du troisième volet de la trilogie consacrée aux grandes figures féminines tragiques des arts vivants classiques. Après Phèdre! pour le théâtre et Giselle… pour la danse, voici donc, Carmen., dans le même esprit facétieux et instructif.
La provocante Carmen du livret de cet opéra-comique de Bizet est, dans cette conférence-spectacle, interprétée par la chanteuse Rosemary Standley. François Gremaud a la maestria de choisir des interprètes contemporain.e.s dont l’art est à la lisière de l’oeuvre d’origine: un comédien comique pour raconter et paraphraser le Phèdre de Racine et une interprète de danse contemporaine comme conférencière agissante pour le ballet classique Giselle. Et c’est à nouveau un coup de maître que d’avoir opté pour la chanteuse du groupe Moriaty et du duo Birds on a Wire. Une voix incroyable assortie d’une présence majestueuse.

Pour ce troisième opus, deux chaises ornent le plateau. Les cinq musiciennes sont en arrière-plan: flûtiste, violoniste, accordéoniste, harpiste et saxophoniste. Sur une partition légèrement remaniée par Luca Antignani, les mélodies de Bizet sont remarquablement interprétées.
Rosemary Standley, vêtue d’une combinaison pantalon noire décolletée, commence par une mise en perspective historique du genre « opéra-comique » né en 1714. A la manière si drôle et avisée de l’auteur suisse, elle raconte ensuite le décor laissant à chacun.e le soin d’imaginer cette précédente première de 1875. La chanteuse prendra ses marques au cours de la représentation et laissera peu à peu émerger plus de souplesse dans son jeu théâtral. Une première déjà remarquable qui laisse augurer d’autres formidables déploiements. Malgré une blessure à la cheville et le trac d’une première représentation, sa performance musicale fut époustouflante (malgré aussi la sonnerie d’un téléphone dans le public et le choc d’une bouteille qui chute…).
En quatre actes, elle nous transporte au coeur de la place sévillane où se déroule le récit. Elle interprète tous les personnages. Dialogues parlé ou airs chantés, duo, solo ou choeur, ténor, basse ou mezzo soprano, tout lui est accessible. Malgré une aussi large tessiture, on devine l’important travail vocal effectué. La justesse impeccable des mélodies amorcées entre les narrations est une prouesse. Elle désigne d’un geste les personnages, leur attribuant à chacun une voix, un accent et un caractère singulier.
Le texte concocté par François Gremaud est une pépite émaillée d’anachronismes ou de jeux de mots foireux hilarants. Cette Carmen qui a fait scandale lors de sa sortie au XVIIIe siècle, il la pose en véritable pasionaria et souligne sa revendication de liberté, tout en digressant sur les dérives machos ou violentes de ses partenaires masculins. Elle refuse d’être une victime et fait face. C’est pourtant par un féminicide que se termine la pièce…
« Jamais Carmen ne cédera : libre elle est née, et libre elle mourra. »
Les critiques de l’époque condamnerons cette héroïne bien trop indocile, mais pas son assassinat. Et le triomphe de l’oeuvre de Monsieur Bizet sera posthume. Ce qui ne sera pas le cas de ce Carmen. avec un point qui a eu droit a une stand(ley)ing ovation lors de cette première et va brûler les planches de nombre de théâtres européens.
La trilogie complète est à voir au théâtre de Vidy les 10 et 11 juin 2023, puis au théâtre du Jorat (le 3 septembre) et au festival de la Bâtie (en septembre).

Ah ! Rosemary ! Quelle merveille! Elle est belle et quelle voix ! Je l’ai entendue en concert en plein air avec Moriarty et la chanteuse réunionnaise Christine Salem, un souvenir impérissable.
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Oh quelle chance! Et en plein air !
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au bord de l’eau un soir
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J’espère que cette pièce passera à Grenoble.
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La trilogie entière est à déguster🤓
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Giselle n’est pas passé chez nous. Mais Phedre m’a laissé un souvenir impérissable.
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