Au Théâtre de Vidy, Lausanne , du 6 au 13 octobre 2021
Librement adapté du film de Paul Verhoeven «Showgirls» (1995)
Soufflée, sidérée époustouflée, je suis, et plus encore, par l’audace et le talent de Marlène Saldana, cette interprète qui sait tout faire, cette femme qui joue de sa voix, de son corps, de ses expressions comme une virtuose de son instrument. You won you, Marlène! And all the women won you!
Avez-vous vu le film de Verhoeven, «Showgirls ou les filles de Las Vegas»? Un échec à sa sortie, un film culte aujourd’hui. Jugé mauvais parce que choquant. Trop explicite sexuellement pour l’Amérique de cette époque . «Le temps finit toujours par libérer l’oeuvre». Et ce ne sera que plus tard que l’on reconnaîtra à ce film ses qualités de réalisme et la révélation de cet univers idéalisé, mais pourri et manipulateur. Après cela, Elisabeth Berkley, 23 ans, jouant l’héroïne Nomi Malone et suivant la direction staccato du réalisateur, ne tournera plus que dans quelques petits films de seconde zone.
Durant la pièce, c’est l’histoire même de ce film que nous conte Marlène Saldana, finement épaulée par Jonathan Drillet. Attention, les deux complices ont ciselé l’histoire en quatrains de décasyllabes rimées! Entre ritournelle et rap, sa déclamation est une oeuvre en elle-même.
L’incroyable comédienne qu’est Marlène Saldana joue tous les rôles, change plusieurs fois de costume, jusqu’à porter glorieusement celui de sa fastueuse nudité. Elle chante et danse avec une énergie et un dynamisme exceptionnels. Interprète d’un univers prosaïque, son jeu n’est jamais vulgaire, son charisme indéniable. Comme Verhoeven, elle ose tout.

L’introduction, dans une robe fourreau rappelant l’affiche du film, dit tout ce qu’il faut savoir de ce show-biz du corps de la Femme. Marlène Saldana, en directeur de casting graveleux, partage l’ambiance de cet univers où le sexe féminin se doit d’être vendeur d’excitation sexuelle.
En Nomi Malone («Je suis là pour danser» clame l’héroïne du film), elle parodie des postures provocantes au-dessus d’un gigantesque pénis constitué de pampilles étincelantes, tel un lustre clinquant illuminé de rose ou de mauve. Parce que Nomi n’est pas un ange! Elle aussi manipule, joue de ses atouts, utilise les armes en sa possession. Dans cet univers cruel, tou.te.s usent de moyens pernicieux.
Bienvenue à Las Vegas…sourire imposé et nu intégral. Paillettes et soumission riment avec braguette et ambition. «Le bon goût est l’ennemi de la créativité». Danser avec ostentation quoiqu’il en coûte pour susciter la tentation et escalader le volcan. Marlène Saldana, en body scintillant, l’exprime de tout son corps et scande avec sa voix:
«Juste avant d’entrer je respire et je pense
C’est toi la meilleure, serre les fesses et avance
Dans ce monde où des débiles ont des rêves de gloire pourris
Je suis venue ici pour réussir ma vie
Dans cette ville branchée sublime chic et classe
Ringarde artificielle vulgaire cheap et crasse,
Je l’ai compris dès le début faut devenir une vraie bad ass
Sinon tu te fais baiser, bienvenue à Las Vegas»
Au fil de la pièce, un dialogue s’instaure entre la comédienne et un technicien (Jonathan Drillet) sur le sexisme au cinéma. Ils évoquent, entre autres, Maria Schneider, abusée par Brando et Bertolucci, ayant vu sa vie et sa carrière bouleversées par l’humiliation causée par la scène de sodomie du «Dernier tango» et également de l’éviction d’Elisabeth Berkley par le milieu hollywoodien.

Le décor mobile de la scénographie rappelle celui du film. L’écrin blanc irisé des débuts de Nomi se transforme en un volcan dégoulinant de lave rouge, tel un mamelon explosif, objet des désirs lubriques de la phallocratie ambiante. La musique techno au tempo agressif (Julia Lanoë/Rebekka Warrior) suggère la rage de vaincre, la litanie du texte finit par ressembler presque à une prière pour ceux qui jouent leur dernière carte. Les lumières (Fabrice Ollivier) évoquent l’enfer et la passion, tout en caressant le corps de la comédienne. Le maquillage et les costumes (Jean-Biche) sont rutilant et du plus pur style Drag Queen.
Vraiment, ne manquez pas cette création originale et l’interprétation étincelante et audacieuse de Marlène Saldana. Avec elle, l’ange déchu qu’elle incarne retrouve une dignité que la critique avait galvaudée.
Une critique du film de Verhoeven par l’éminent Prince Cranoir ICI
Epoustouflant, j’adore ! J’ai passé l’info à mon fils, encore merci 🙂
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Je découvre l’existence de ce spectacle. Voilà qui remet le film de Verhoeven une fois encore dans la lumière.
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