Du 10 au 27 septembre 2021, Vidy hors les murs – ShanjuLab, Gimel
Bonjour chevaux, ânes, poules, chèvres et boucs, chiens et cochons et leurs complices humain·e·s de Shanju!
Ce lieu magique, bordé par la forêt, pensé pour offrir des espaces privilégiés aux animaux, est précieux. En préambule, le public s’installe en extérieur, partageant un moment convivial entourés des stars du spectacles. Puis ce sera l’expérience du manège transformé en scène théâtrale pour l’occasion.
ShanjuLab (pôle artistique de l’école-atelier Shanju) se définit comme un laboratoire de recherche théâtrale sur la présence animale. Ici, on explore un langage commun, on cherche un lexique permettant de dialoguer dans le respect de chaque être. Le spectacle qu’iels nous présentent est composé de zoochorégraphies de l’instant, créées par des duos humains/non humains ou des groupes uniquement non humains qui se connaissent et partagent un dialogue depuis de nombreuses années. Ils n’ont surtout pas été créés pour l’occasion.
Ce terme de lexique permet aussi de dépasser la question réductrice de « dressage ». On ne cherche pas à faire faire ou à apprendre, nous cherchons à communiquer, à construire ensemble. Judith Zagury
Chacun joue son propre rôle dans cette oeuvre d’art on ne peut plus vivante. Le concept est de réunir animaux et humains en partenaires devant un public et de faire découvrir à ce dernier, au plus près, l’univers dans lequel cette population hétérogène coexiste. Une création accompagnée d’une recherche esthétique mais sans la volonté d’impressionner. Comme au théâtre, lumière et sons magnifient la production.

Deux sémillantes chevrettes blanches apparaissent, bientôt suivies d’un cochon placide, hermétique aux encerclements répétés du chien boarder qui lui colle aux basques. Cinq ou six autres chèvres entrent en scène, dont deux boucs. La table disposée au centre est prise d’assaut par la troupe de grimpeuses, mises au pas par un bouc gris qui revendique la place la plus haute et repousse toute velléité d’être détrôné à coup de tête cornue. Pour autant, personne ne se décourage et le bouc à fort à faire pour sauvegarder sa place privilégiée. La tragédie alors s’installe avec l’arrivée d’un bouc brun, de plus grande taille, qui occupe immédiatement la place la plus élevée sans rencontrer d’opposition, même s’il doit surveiller ses arrières. C’est alors qu’un humain s’introduit et défie ce bouc impressionnant, front contre front, pendant que, voyant le roi occupé, le petit peuple tente sa chance d’envahir le palais royal! Le jeu n’ira pas jusqu’à la révolte sanglante, le troupeau s’en ira, laissant les deux prétendants rivaliser et s’affronter en un jeu cocasse de repoussements mutuels pour terminer par se serrer le sabot!

Les saynettes se succèdent poétiques ou drôles, majestueuses ou émouvantes, émaillées d’images filmées et de phrases projetées, de sons naturels ou de musiques adaptées. Les coqs et leurs humains dansent à bout de bras ou de crâne. Deux binômes cheval/humain exposent leurs prouesses et l’extrême confiance mutuelle qu’ils se portent, le seul moment où l’on verra un humain se glisser à l’encolure ou sur le dos d’un cheval, lequel affiche un calme olympien. Une jeune fille entraîne son compagnon équin dans un jeu espiègle d’attrape-moi si tu peux, puis le stoppe d’un geste, sans le toucher. Et ce cabotin de cochon qui tergiverse pour quitter la scène…
Qui apprivoise qui? Quel est ce désir d’être comme élu par un animal? Peut-on parler d’une amitié? Mais qu’est-ce que l’amitié? Quel plaisir nous vient des animaux? Quelle différence entre dresser, éduquer, inculquer, échanger? Que signifie récompenser? Qu’est-ce qu’apprendre sans plaisir? C’est quoi l’enjeu dans le jeu? Le rapport mutuel ne vient-il pas lorsque l’humain se rend remarquable par l’autre-qu’humain?
Huit ou neuf chevaux et deux ânes investiront l’espace en guise de conclusion et c’est un émerveillement de les voir s’ébrouer librement, communiquer à leur façon entre congénères, puis s’évanouir au galop dans la nuit.

Cette rencontre du public et des êtres qui vivent à Shanju, imaginant un langage commun entre vivants, ne laissera personne indifférent. Il devient nécessaire et même vital de reconstruire un lien de proximité avec le monde des autres animaux, ceux que nous exploitons sans vergogne. En les côtoyant au plus près, en acceptant d’apprendre d’eux, peut-être arriverons-nous à réinventer ce lien? Merci à Shanju et à la lumineuse Judith Zagury de nous montrer le chemin.
Perspectives – Un ensemble animal / ShanjuLab : Interview de Judith Zagury from Théâtre Vidy-Lausanne on Vimeo.
En savoir plus avec l’article du journal Le Matin-Dimanche? cliquez ICI.
Joli moment de philosophie et de remise en question de l’homme face à l’animal. Sûrement, nous avons des progrès à faire ! Très belle initiative, à faire découvrir autour de nous 🌞
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Merci de partager ton avis. A l’heure actuelle, nous avons de quoi faire autrement et nettement mieux pour/avec nos congénères.
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