L’artiste plasticienne allemande Ulla von Brandenburg a étudié la scénographie à Karlsruhe et les arts plastiques à Hambourg. Elle vit à Paris où elle est représentée par la Galerie Art Concept.
A Vevey, la création du musée Jenisch est le fruit d’un cadeau, celui de Fanny Jenisch (1801-1881), veuve d’un sénateur de Hambourg, avec laquelle Ulla von Brandenburg partage son attachement pour cette ville allemande
Connue pour ses installations et ses films, l’artiste y a reçu carte blanche pour une exposition à ne pas manquer. Jusqu’au 27 mai 2018.
Dans une superbe scénographie, elle y expose quelques 80 collages, grands dessins aquarellés et découpures en ombres chinoises.
Les murs recouverts de tissu suggèrent autant un univers théâtral que les murs d’un appartement d’où les tableaux auraient été décrochés, laissant la trace fantomatique de leur passage. Chacune des six salles revêt une couleur qui distingue son thème. Les oeuvres sont simplement déposées sur une estrade ou appuyées contre une paroi.

Assemblant des papiers anciens (pages de vieux livres), Ulla von Brandenburg forme une sorte de patchwork qui sert de fond à ses aquarelles.

L’artiste travaille sans dessin préparatoire laissant les coulures et les imperfections animer la peinture. Les effets multicolores de son travail explosent de ce qui s’assimile à de la joie, comme le plaisir du spectateur qui assiste à un spectacle théâtral jubilatoire, mais comme empreint de nostalgie.


La salle grise, dites des « femmes fortes », met à l’honneur des femmes marquantes du siècle passé. Un hommage d’Ulla von Brandenburg sous forme de galerie de portraits de résistantes et combattantes, scientifiques et femmes de lettre.
La salle jaune consacrée au spiritisme lève un coin du voile sur la culture initiale de l’artiste qui a grandi dans l’environnement de la pédagogie de Rudolf Steiner, fondateur de l’anthroposophie et théoricien d’une tripartition des corps physique, astral et éthérique.
La salle saumon a pour thème le monde sous-marin, celui du silence et de l’inconscient, tandis que la bleue visite l’univers de la danse où s’exprime le corps entre contrainte et liberté. L’artiste collectionne des images trouvées pour s’en constituer un répertoire.
Une magnifique exposition d’un abord esthétique aisé, puissament rétinienne (!) et qui ravira les amateurs de peinture aussi bien que ceux de théâtre!
Source: Guide de l’exposition du musée Jenisch
Par ailleurs, Ulla von Brandeburg développe l’usage de divers médias artistique dont les plus vus sont les films et les installations. Ce sont les espaces d’exposition qui inspirent sa scénographie marquée par la théâtralité. Après la Biennale de Lyon en 2011, elle investit l’année suivante l’Agora du Palais de Tokyo à Paris avec un motif arlequin issu de la Commedia dell’Arte.

En 2016, elle fait partie des quatre finalistes du prix Marcel Duchamp avec une oeuvre polymorphe constituée d’un film « It Has a Golden Sun and an Elderly Grey Moon » montré en regard de son lieu de tournage, un escalier blanc en forme de pyramide que les visiteurs sont invités à occuper. Le film montre des danseurs qui manipulent et échangent des pièces de tissu colorées en une danse qui ressemble à un rituel ancestral.
Le travail d’Ulla von Brandeburg charme l’oeil par son attrait esthétique, mais est aussi résolument conceptuel. En effet, il interroge ces passages qui marquent l’entrée dans l’imaginaire, les rapports entre illusion et réalité, entre public et acteurs. L’histoire, la mémoire et le souvenir sont réinterprétés, théâtralisés, mis en scène.
Comme le miroir a deux côtés, celui qui nous reflète et celui qui se cache derrière, le rideau a deux côtés. Au cirque on peut le replier en tout petit et le déplier pour en tirer un chapiteau. J’aime camoufler ou changer l’espace avec des moyens pauvres ou très simples pour créer un ailleurs. Le tissu est le moyen idéal, pas cher, facile à transporter, modulable. C’est une matière nomade. Ulla von Brandenburg
Sources : Galerie Art Concept, Institut d’Art Contemporain Villeurbanne/Rhône-Alpes, Mamco Genève, rfi.fr, ge.ch/culture.
Qu’est-ce que la scénographie au juste?
Pour produire une pièce de théâtre, un metteur en scène doit s’entourer idéalement, en plus des comédiens, d’un régisseur, d’un scénographe, d’un costumier, d’un accessoiriste, d’un éclairagiste, d’un décorateur et d’un ingénieur du son. Des métiers qui peuvent évidemment se conjuguer au féminin!
Le ou la scénographe compose l’ambiance de l’oeuvre théâtrale grâce aux volumes, objets, textures, couleurs et lumières. Son travail est de concevoir l’espace scénique en fonction de ce qui peut y apparaître de façon réaliste, mais aussi métaphorique. Le sens de l’oeuvre peut (doit?) en être fortifié. La scénographie situe l’action dramatique, elle organise la dramaturgie de l’espace.

Apparue au milieu du XXe siècle, il existe une histoire de l’art de la scénographie. Pour les lecteurs qui désireraient en savoir plus, un texte de Jean Chollet publié dans l’Encyclopaedia Universalis édition 2004 peut être consulté en cliquant ici.