Arles, les Rencontres photographiques 2023

Après le bain théâtral d’Avignon, un passage à Arles qui présente plus de 64 expositions et s’imprégner d’autres découvertes artistiques aux Rencontres de la photographie . Nous n’avons vu qu’une petite dizaine d’expositions. A noter la présence d’oeuvres d’Agnès Varda dans trois d’entre elles: Scrapbooks à l’Espace Van Gogh, La Pointe Courte au Cloître Saint-Trophime et à la tour du Luma, Un jour sans voir un arbre et un jour foutu, troisième chapitre de l’archive d’Hans-Ulrich Obrist. Ainsi Agnès Varda est représentée en tant que photographe, réalisatrice et artiste visuelle.

La Pointe Courte est son premier film. Tourné en 1954 dans le quartier populaire de Sète, Agnès Varda l’a constitué à partir des centaines de clichés qu’elle a pris au cours de ses séjours dès 1947, lesquels sont devenus ses repérages. Elle crée une forme de narration nouvelle, différente du cinéma traditionnel de l’époque. Déjà photographe officielle du Festival d’Avignon, l’audace dont elle fait preuve pour la réalisation de ce film la consacrera pionnière de la Nouvelle Vague. L’exposition retrace ses recherches, sujets et motifs de prédilection

Au Luma, l’oeuvre plastique exposée d’Agnès Varda est l’installation de son triptyque vidéo Patatutopia, qui célèbre les pousses et les racines de pommes de terre en forme de cœur. Comme elle le dit : « Je célèbre ainsi la résistance de ce légume. J’ai l’utopie de penser que l’on peut voir la beauté du monde dans une patate qui a germé. », et Les Mains complices, sa dernière oeuvre montrant des mains enlacées de couples ainsi que ses Cabanes de Cinéma.

Au Luma, c’est Diane Arbus (interdiction de photographier). Plus de 400  clichés recto verso exposés sur des structures métalliques. On se retrouve un peu perdus, plongé au coeur d’une oeuvre, certes intéressante, mais sans référence chronologiques, biographiques, munis d’un catalogue qui nous perd plus qu’il ne trouve…

L’exposition du travail impressionnant de Zofia Kulik à l’église des Trinitaires. Attention! C’est un travail titanesque réalisé à l’argentique, dans la chambre noire. Le papier photographique est directement exposé à de multiples reprises à des dizaines de négatifs, à travers des masques découpés avec précision. Un film est visible où l’on assiste à son minutieux travail.

Zofia Kulik, Autoportrait avec le palais, 1990

Zofia Kulik a développé une technique de photographie et de découpage-collage qui fait de ses oeuvres des sortes de mandalas assez fascinants. Elle photographie les motifs en studio, les découpe et compose son tableau. De loin, c’est très « soviétique ». Si l’on s’approche, on y découvre des allégories et des symboles pointant le patriarcat, le totalitarisme, la religion, le statut des femme et toutes ces relations de domination et de soumission…

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Casa Susana (espace van Gogh), ce sont trois cent quarante photographies des années 1950 et 1960 découverts sur un marché aux puces de New York en 2004. Elles représentent des hommes travestis en femmes respectables de cette époque, celle des ségrégations, raciales, sexuelles ou politiques. La plupart n’ont par ailleurs aucune de velléité de transidentité. Ils se retrouvaient dans la propriété de Susanna et de sa femme Marie pour épisodiquement vivre en femmes. Une exposition émouvante, malgré le stéréotype féminin obsolète et sans originalité qu’elle transporte.

Scrapbooks : 19 personnalités du cinéma livrant quelques détails de leurs livres intimes constitués de fragments, collages, photos, dessins, articles, etc. On pourrait passer des heures à détailler ces pages d’album. Ils sont les prémisses de créations rendues publiques et donc, contiennent un peu du mystère de l’âme de leurs créateur.ices. Magique.

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Au Palais de l’Archevêché, Saul Leiter (1923-2013), new yorkais dès l’âge de 23 ans, immortalise de fugaces instants de la vie citadine. Il peint aussi. Il serait un des pionniers de la photo couleurs, mais ce n’est pas ce qui m’a plu. Dans ses clichés des années cinquante, il n’a pas peur de laisser de grands espaces vides ou de créer des quasi abstractions depuis des endroits hauts perchés.

Ce travail de Yohanne Lamoulère, dans le Jardin d’été, est une belle découverte. Son exposition en plein air, intitulée les Enfants du Fleuve, montre les portraits des personnes et des endroits  rencontré.es en remontant le Rhône sur une péniche de fortune, depuis le Camargue jusqu’à Lyon, puis depuis Genève jusqu’au glacier valaisan d’où il provient (812 km). Des portraits intenses et singuliers comme issus d’une peuplade exotique.

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D’ailleurs le Théâtre de Vidy Lausanne ne s’y est pas trompé :

Spencer Ostrander et Paul Auster s’unissent pour évoquer leur « Pays de sang », le plus violent du monde occidental. Durant deux ans, le photographe immortalise une trentaine de sites de fusillades en noir/blanc, tandis que l’écrivain rédige un texte sur l’histoire de cette violence par armes à feu aux USA. Un texte remuant et horrifiant que l’on peut entendre dans une pièce en français et en anglais et lire en épisodes parmi l’exposition des photographies.

La très belle proposition de Céline Clanet, Ground Noise à Croisière, démasque un monde minuscule, celui des arthropodes, guetté depuis les territoires sauvages des forêts de France. Lichen, phalènes ou hyménoptères, des clichés noir/blanc de toute beauté.

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A Croisière aussi, Olenka Carrasco se souvient de son pays, le Vénézuela. Durant le deuil de son père,  ses archives photographiques ravivent une mémoire fragmentée de sa Patria. Intime et politique.

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« Entre nos murs » (Croisière) documente l’existence d’une maison de la classe moyenne iranienne, au nord de Téhéran. De sa construction en 1956 à sa destruction en 2014, en passant par son abandon durant la révolution islamique en 1979, une riche documentation en témoigne. L’influence de la modernisation occidentale sur le style de vie des années 50-60, qu’en reste-t-il aujourd’hui?

Mais, si vous passer par Arles, il faut visiter le musée Lee Ufan à la rue Vernon dans la vieille ville. Perçue comme une respiration, l’oeuvre méditative de cet artiste est une bénédiction et le lieu est empreint d’autant de sérénité que son travail. J’ajoute le lien de mon article de 2014 mis à jour en 2023…

Lee Ufan, Response, 2021 (162×130 cm)

Quatre artistes peintres sont exposés à l’étages, dont l’une m’a plu particulièrement (et c’est la plus classique!): Brigitte Aubignac et ses portraits de femmes borderlines. Des quatre artistes, sont exposées des toiles sur le thème de la solitude.

Brigitte Aubignac, Portrait d’une folie annoncée, 2016 (32×22 cm) © Brigitte Aubignac, courtesy Galerie Pierre-Alain Challier

 

5 réflexions sur “Arles, les Rencontres photographiques 2023

  1. Après Avignon, Arles. Que j’aimerais profiter de toutes ces manifestations culturelles. Merci de nous en parler.
    A propos de la Pointe courte, c’est un lieu totalement dépaysant, hors du temps, paisible et extrêmement photogénique, plein de chats. J’y avais réservé une nuit, c’est à voir. Et c’est ainsi que j’ai appris qu’Agnès Varda y avait tourné un film, ainsi que, bien sûr, j’ai voulu voir ce film, ainsi que j’ai vu pratiquement ensuite tous les films de Varda et nombre d’entretiens. J’aime beaucoup le travail de cette femme, son énergie, sa volonté. Et sa complicité ensuite avec JR.

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    1. Oui, une personne de toute beauté et tellement intéressante!
      Et moi, je te remercie de nous parler des multitudes d’êtres vivants qui t’entourent avec autant d’affection et d’attention, sans même parler de la qualité de ton écriture grâce à laquelle on se sent si proche d’eux. 🥰

      Aimé par 2 personnes

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