Sauter par-dessus…Quelques spectacles auxquels j’ai assisté sans en faire une véritable chronique. Pourquoi? Parce qu’ils ne m’ont pas assez « parlé » (ou trop peut-être?) malgré des qualités diverses? Mon goût personnel n’est pas le propos, ce qui ne signifie pas que tout ce que je vois me plaît. Certaines pièces que j’ai beaucoup appréciées font partie de ce panel. Si elles ont déjà fait l’objet de nombreux articles, je ne m’y colle que si j’y trouve une particularité qui m’interpelle. Cependant (et en premier lieu pour ma propre mémoire) les voici évoquées en peu de mots.
C’est la deuxième page que je consacre à cela (Brèves de planches I). Je reviendrai régulièrement sur cette page pour y ajouter un fragment de souvenance de certains spectacles.
En italique, vous lirez quelques mots de la présentation officielle de ces spectacles.

« Toi, moi, Tituba« de et avec Dorothée Munyaneza du 8 au 10 avril 2025.
C’est une performance dansée en forme de cérémonie, un hommage à la mémoire de toustes les esclavigisé.e.s depuis la nuit des temps. Un spectacle d’une beauté particulière, sombre et spirituelle. Voilà pourquoi je range mon commentaire dans cette rubrique. Comme une prière, il y a des gestes répétés, de la poésie et du recueillement. De la clarté et de l’obscurité, des sons et du silence, de la danse et de l’immobilité, des cris et des chuchotements. C’est à voir avec respect et recueillement.
« Comment faire résonner les souffles, les vies et les rêves de ces hommes et ces femmes dont les identités et les existences furent niées et broyées par la traite et le système colonial ?
À travers les mots ? À travers le corps peut-être ? À travers la voix qui habite l’espace, les chants qui parlent à ceux qui sont là et ceux qui sont loin ? »
« What will remain secret« Auguste de Boursetty (CH/FR) & Alex Freiheit (PL), les Printemps de Sévelin, 22 et 23 mars 2025.
Un duo touchant et sensible, des postures en équilibre, des déplacements de toutes sortes, des appuis complices et des sons susurrés. Entre punk et classique, sons et mouvements se rejoignent. Avec tendresse.
« Auguste et Alex imaginent cette rencontre entre un duo de danse et un groupe de musique. Un album de punk dansé. Une caresse de deux corps dans de drôles de vêtements. Une gifle. Un bruit harmonieux venu du fond de leur gorge. Une danse avec un refrain. Une blague d’enfance qui implique de fermer les yeux et de les rouvrir. Une chorégraphie à deux aussi détaillée que de la dentelle.«

« La médaille ou à chacun son monstre« Marielle Pinsard/Debora Beuret-Strambini, Théâtre de Vidy, du 30 avril au 11 mai 2025
Une pièce qui regorge d’idées de scénographies, à commencer par le groupe des mères qui cuisine en bruitant le récit ou en chantant. Les créations plastiques de l’artiste Debora Beuret- Strambini émaillent le spectacle de merveilleux et de poésie. L’écran du fond projette les images que l’une d’elles produit en direct sur une petite plateforme logée dans un barbecue. De simples silhouettes découpées deviennent les ombres des monstres imaginés par les enfants. Au sol, un grand disque mobile recrée une rivière, des cabanes, une forêt ou des montagnes. L’éclairage ajoute au mystère, comme l’usage de la ventriloquie. Une pièce poétique et astucieuse dans laquelle les rôles des deux enfants sont joués avec brio. Le scénario est tiré d’un conte initiatique de la guyanaise Marie-Thérèse Picard: apprendre à dompter ses peurs, assumer son autonomie, faire preuve de solidarité, etc. Dès 8 ans.
Dans le spectacle « La Médaille ou À chacun son monstre », un enfant semble en difficulté dans une rivière, persuadé de la présence d’un monstre. Il est secouru par un autre enfant de passage. Une chamaillade musclée éclate, conduisant les enfants à se croire morts. Paradoxalement le fait de s’autodéclarer morts les ramène à la vie.

« Tapajòs » Gabriela Carneiro da Cunha (Brésil) Théâtre de Vidy, du 14 au 24 mai 2025
A l’origine de ce spectacle, un drame: la contamination au mercure de la rivière Tapajòs. Utilisé par les orpailleurs pour amalgamer et révéler l’or, le mercure est rejeté dans le fleuve et mute en méthylmercure, sa forme la plus toxique, provoquant de multiples dégâts sur tous les organismes vivants dont les peuples riverains comme les Munduruku. Le spectacle s’attache aux plus vulnérables, les mères et les enfants. L’autrice utilise l’analogie du liquide révélateur photographique argentique, toxique, pour personnaliser les victimes et combattantes de cette catastrophe. Tout un rituel est mis en place poar deux intervenantes, une sorte de liturgie en labo photo, célébrant les mères sacrées, assimilées à la vie de la rivière.
Le spectacle naît d’une alliance entre mères – mères de la région de la rivière Tapajós, mères Munduruku, mères de famille, mère poisson, mère forêt et mère de la rivière – et du rapprochement entre les mercures utilisés pour révéler l’or dans l’eau et une photographie argentique.

« Le Choeur des Femmes » Avec Violaine Brébion (adaptation), Xavier Clion, Clotilde Daniault
Théâtre Le Reflet, Vevey, le 22 novembre 2025
D’après le livre de Martin Winckler, les trois comédien.nes ont concentré le récit et mis en scène les personnages principaux: Jean, la jeune interne en stage, et la secrétaire (qui se partagent aussi certains rôles de patientes), ainsi que le médecin chef du service de gynécologie. La mise en scène et la scénographie (travail partagé par les protagonistes) sont succinctes. Dialogues et monologues constituent le fil narratif. Un spectacle à voir par celleux qui n’auraient pas lu le livre.
Ce récit poignant et d’utilité publique est issu de témoignages recueillis au sein d’un service de médecine dédié aux femmes.


