Théâtre de Vidy, du 28 février au 2 mars 2025
D’après le livre d’Olga Ravn, « Les employés ».

En polonais surtitré français/anglais. D’après le livre d’Olga Ravn, « Les employés ».
Disons que l’effondrement aurait eu lieu, depuis le temps qu’on en parle, et que la terre n’existerait plus. Disons qu’un vaisseau aurait été envoyé dans l’espace avec à son bord des humain.e.s et des humanoïdes. Disons encore qu’une mystérieuse Organisation dirigerait l’expérience qui se déroule à son bord.
Nous aurions alors tout loisir d’observer ce qui s’y passe et quelles relations s’instaure entre celleux qui sont nés et celleux qui ont été fabriqués. Il y aurait des cadets et des cadets B, ces derniers étant les sosies artificiels des premiers, créés à partir de leur biomatériau d’origine. Identiques en tous points, mais dépourvus d’esprits. Vraiment?
C’est ce sujet que la pièce interroge: Qu’est-ce qui fait humanité?

Et donc chaque comédien.ne.s endosse un double rôle, jouant l’humain et son double humanoïde. Peu à peu, il devient difficile voire impossible de les distinguer. Les émotions ont-elles pu être acquises par ces répliques artificielles? Comme l’intelligence artificielle, elles apprennent continuellement des situations nouvelles. Est-il possible qu’un anthropoïde soit sensible à une musique émouvante?
Les humain.e.s aussi s’interrogent, elleux qui ressentent, sans plus y faire vraiment attention, les élémentaires expériences que leur procurent leurs sens: l’amour et le désir, l’excitation, la déception, les sentiments, les sensations… L’informatisation de notre société en déroute pose chaque jour de nouveaux problèmes éthiques auxquels nous devons nous confronter. Qu’est-ce que la conscience humaine? Le cerveau et l’esprit est-ce la même chose?

Le dispositif est quadri-frontal et le public est autorisé à se déplacer lors des trois pauses de la représentation. La scène est un cube, sur laquelle sont projetées des images filmées en direct sur deux écrans. le cube lui-même, semi transparent, est investi par les personnages. La musique passe d’une ambiance aseptisée (musique d’ascenseur) pendant les dialogues à une techno intense et énergique. L’éclairage participe de l’atmosphère futuriste avec des néons verticaux colorés tout autour du cube. Même les spots, lors d’une séquence comique, prendront vie et donneront leur avis.
Le récit se déploie, questionnant ce qu’est l’artificiel et l’authentique, tachant d’explorer ce qu’est la conscience humaine, évoquant de nouvelles philosophies face à ces vies en miroir, en développant les relations intimes qui se créent dans ce lieu clos.

Beaucoup d’interrogations pertinentes, une analyse acérée, une création scénique hors du commun, des acteurices épatant.e.s dans cette réalisation dystopique d’envergure. La pièce dure environ trois heures et sa fin baroque en vaut la peine, affichant des poses inspirées des peintres classiques, abordant la mort des uns et l’impossibilité de la mort des autres. Car, oui, les androïdes ont en mémoire toute l’histoire de l’humanité. Pas nous.
La science continue de découvrir de nouveaux corrélats neuronaux des événements sensoriels. Lorsque nous aurons découvert un moyen simple et rapide de comprendre le fonctionnement du cerveau humain, serons-nous en mesure de construire un cerveau artificiel qui, inséré dans un robot, fera d’un androïde un être humain ? Que feront les algorithmes d’IA, équipés d’un ensemble d’outils de résolution de problèmes et apprenant de leurs propres erreurs, lorsqu’ils dépasseront les possibilités attendues d’eux par le programmeur ? (texte de présentation)

« Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? » Lamartine

