« Black Lights » Mathilde Monnier

Théâtre de Vidy, Lausanne, du 6 au 9 novembre 2024

Une souche est la partie souterraine d’une plante vivace ou d’un arbre abattu. Elle a une importance écologique pour le rejet, l’humus, la biodiversité et la prévention de l’érosion. Elle peut aussi être utilisée comme combustible ou extraite du sol. (définition wikipedia)

C’est la scénographie de ce formidable spectacle: des souches. Image puissante de l’arbre, de ses racines, de ce qui pourrait être (peut-être) le seul symbole essentialiste de la Femme. L’arbre abattu conserve un feu dans sa souche. Ne vous avisez de la toucher, à l’évidence, elle vous brûlerait.

Photo©Arnaud Caravielhe

6 novembre 2024… Etonnamment le silence s’installe bien avant le début du spectacle, comme si l’assistance se préparait à recevoir cette intensité, l’amplitude des mouvements de cet organisme. Les sons sont des déflagrations assourdies, des crépitements. Le premier texte énonce que « il y a quelque chose qui ne va pas« . Vêtue de blanc, cette femme nous livre un simple ressenti et, toutes, nous l’entendons.

Photo ©marc coudrais

Les onze textes choisis par Mathilde Monnier sont issus de la série H24 visible sur Arte (réalisée par Valérie Urrea et Nathalie Masduraud). 24 heures de la vie d’une femme, 24 textes d’écrivaines qui mettent en scène de petites et grandes violences faites aux femmes au quotidien.

Photo ©Marc Coudrais

Il y a comme une chronologie dans ce spectacle. Au début, les danseuses sont des poupées désarticulées, leurs postures, qu’elles modifient constamment, semblent impossibles. Les pieds sont tordus, les têtes courbées, les corps contorsionnés, les jambes grandes ouvertes ou resserrées. Puis certaines se retirent dans le fond de scène pendant que deux investissent le plateau. Petits cris d’oiseaux, miaulement, sifflements qui se muent très vite en interpellations diverses et intrusives, quand elles ne tournent pas à l’injure. La marche se fait rapide, se change en fuite. Le groupe la suit, l’entoure, menace et protège à la fois. Balancements, étreintes, claques, frottements, combat, l’une parle, l’autre mime, secousses, tremblements. La fumée envahit l’espace. La danse se fait collective, un collectif qui rassemble, qui complète, qui fusionne. Les textes s’intercalent au coeur de la danse. Elles se redressent, elles se fortifient… elles nous raniment.

Et soudain ce thème musical bouleversant, Rain de Ryuichi Sakamoto, qu’elles interprètent avec fougue, rage, détermination…

A la fin, alignées sur le devant de la scène, elles nous font face, armées de leur prodigieuse énergie. Et nous nous mirons en elles. Et nous nous levons nous aussi.

J’avais déjà été bouleversée par ce spectacle en 2023 (ICI), la même émotion m’a soulevée plus d’un an après.

Avec Isabel Abreu, Jessica Tamsin Allemann, Aïda Ben Hassine,
Kaïsha Essiane, Mai-Júli Machado Nhapulo, Mathilde Monnier,
Carolina Passos Sousa, Jone San Martin Astigarraga.

Les 24 textes ont été édités.

2 réflexions sur “« Black Lights » Mathilde Monnier

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