« Antigone in Amazonia » Milo Rau

Théâtre de Vidy du 19 au 22 juin 2024

En anglais, portugais, tucano, flamand et français. Surtitré anglais et français.

En collaboration avec le MST (Movimento dos Trabalhadores Sem Terra, Mouvement des sans-terre)

Accueilli à jardin par la musique du guitariste et comédien Pablo Casella, le public s’installe devant un modeste plateau comptant, à jardin une table et quelques chaises de plastique  et un portant de vêtements. La scène est recouverte de terre, enjeu de la lutte des indigènes.

« Dans la tragédie grecque, le choeur est le personnage principal. »

L’Histoire du théâtre documentée du metteur en scène Milo Rau tente de décrypter la violence en croisant mythes et réel. Cette nouvelle enquête a lieu au nord du Brésil, dans l’immense Etat du Parà. Commencée en 2020, elle a été interrompue par la pandémie Covid puis reprise en 2023.

En 1996, le 17 avril, la police militaire tue dix-neuf paysans et fait des dizaines de blessés. C’est à l’endroit même de ce drame, sur les terres que les paysans ont occupées (légalisées depuis), que les scènes vidéo adjacentes au plateau sont filmées.

© kurt van der elst

On connait l’histoire d’Antigone, fille d’Oedipe et nièce du despote Créon, qui refuse qu’elle donne une sépulture à son frère sous prétexte de lois séculaires. Elle va les enfreindre et le payer de sa vie. Un dictateur en vaut un autre et les affirmations réactionnaires de Bolsonaro résonnent avec celles de Créon (joué par la comédienne Sara de Bosschere).

En prologue, la mise en scène montre, sur un triple écran, l’assassinat de Oziel Alves Pereira ( joué par Federiico Araujo), figure de proue du mouvement des travailleurs qui manifestaient pacifiquement en bloquant une autoroute, pour obtenir de cultiver les terres qui leur reviennent et protéger la forêt amazonienne et ses habitants des multinationales. Dix-neuf manifestants sont sauvagement exécutés.

L’histoire est racontée en cinq actes, les mots de Sophocle mêlés à ceux, contemporains,  des activistes. Selon le Manifeste édicté par Milo Rau (énoncé ICI), le récit n’est pas littéralement celui du classique de Sophocle. Les personnages antiques fusionnent avec les travailleurs amazoniens. La mythologie et le réel s’entrecroisent, figurant l’éternel recommencement de la monstruosité humaine. Nous rencontrons Hémon, fils de Créon et fiancé d’Antigone(Arne de Tremerie), qui cherche à convaincre son père qu’il vit dans le passé. Sans succès. Hémon le médiateur, comme Antigone, se suicidera, pleuré par sa mère Eurydice, allégorie de toutes les mères meurtries.

Kay Sara, véritable activiste et actrice indigène, (qui s’exprime dans son discours du 16 mai 2020) est Antigone à l’écran, tandis que sur scène elle est jouée par un homme (Federico Araujo encore). Les dialogues entre les acteurs se déroulent par écran interposé créant une intensité bouleversante. Certaines scènes, un peu bizarrement, sont jouées simultanément sur écran et au plateau. Le choeur, tel un personnage tangible, est composé des survivant.e.s, activistes et habitant.e.s de cette région brésilienne.

Kay Sara

L’authenticité du théâtre de Milo Rau a l’ambition de changer le monde. L’auteur s’engage pour chacune de ses créations, ici il dénonce les multinationales qui continuent à exploiter les terres et détruire la forêt usant de multiples stratagèmes politiques et mercantiles. Entre autres actions, une campagne Punish Nutella (marque qui utilise de l’huile de palme produite dans la Province de Pará) est lancée.

Protéger efficacement la forêt tropicale passe par  des mesures politiques. Mais nous pouvons toustes participer en n’achetant aucun produit d’élevage industriel ou mieux, en ne mangeant pas d’animaux. Parce que le soja, dont ils sont nourris, provient majoritairement de plantations pour lesquelles la forêt tropicale a été défrichée. Pareil pour les huiles de palme qui se trouvent dans les biscuits, desserts, pâtes, cosmétiques et autres.

Une réflexion sur “« Antigone in Amazonia » Milo Rau

Répondre à lorenztradfin Annuler la réponse.